En attendant la sortie du tome 2 du « Journal de la métamorphose » (vous pouvez retrouver le tome 1 ici), j’ai eu la chance d’interviewer Marine Rose, afin de nous apporter plus de précision sur son autobiographie.

Roman autobiographie, pourquoi avoir choisi d’écrire votre histoire ?

L’idée de publication est apparue comme une évidence alors que j’étais dans la période de vie et d’écriture de ce qui constitue le « tome 2 » (Renaissance). Au cours de vacances d’été chez mes parents, à 21 ans il me semble, j’ai retrouvé mes carnets intimes et les ai relus. Cela a été très intense pour moi, je revivais chaque chose comme si j’y étais, et en même temps avec plus de recul et de conscience, il me semblait que s’éclairait un fil conducteur, un fil de vie intérieure, mêlé à l’apport des expériences, qui avait un sens et une progression. À cette époque je parlais souvent de mon impression d’être un funambule qui cherchait toujours à suivre un fil d’or secret, de façon vitale, pour ne pas tomber dans le vide, et ces carnets retrouvés m’ont permis de voir que ce « fil » existait déjà auparavant, que je le continuais. J’ai trouvé cela vivant, intéressant, et j’ai senti en mon cœur que je voulais partager cela, cette expérience à la fois unique et universelle.

Quand avez vous décidé de publier le récit de votre vie ?

Le récit s’est construit « tout seul », il y avait toujours des moments où je sentais cette envie essentielle d’écrire, comme si j’étais une fontaine trop pleine qui devait se déverser, ou bien une exploratrice qui cherchait quelque chose, à me « reconnecter » en profondeur, à chercher des réponses et confier ma quête, mes impressions au cours de ce parcours de vie. Après mon épreuve intitulée « abîme », l’inspiration poétique faisait partie intégrante de ma vie, j’écrivais chaque jour plusieurs poèmes pour continuer à avancer sur ce « fil d’or » de l’âme ou de l’esprit. Cela m’enchantait, était magique, et en même temps était ce qui me permettait, avec la foi, de toujours continuer à avancer en ma vie selon cette voie intérieure. À faire le pont entre le monde secret et invisible des âmes et des esprits et le monde pragmatique et actuel.

Dans cette confession intime retraçant votre métamorphose lors de votre adolescence, vous vous mettez à nue sans rien cacher au lecteur. Est-ce un choix de votre part ou dans le but de respecter les confessions faites dans vos journaux intimes?

Le fait de confier ces écrits tels quels, sans censure, même s’ils sont intimes, m’a demandé du courage car je savais que des personnes de ma famille, de mon entourage passé et présent, allaient me lire. En même temps c’est mon cœur qui prend ses décisions et il m’a semblé qu’il chantait à l’idée de partager mon expérience justement dans la plus grande honnêteté et ouverture possible, car c’est ainsi qu’il pourrait atteindre d’autres cœurs et leur parler de la manière la plus proche possible. À mon adolescence j’ai souffert d’un sentiment de solitude, du fait de la superficialité, des masques, j’avais un grand besoin, déchirant, de communiquer en profondeur et en vérité avec les autres. Aujourd’hui c’est aussi en me livrant sans masque, nue, que je peux proposer cet échange profond et vrai à mes lecteurs.

A certains moments dans vos confessions, je retrouve effectivement les doutes de l’adolescence, l’envie de vivre intensément, le regard des autres.

Sans doute car l’on sort d’un monde très protégé pour affronter un monde qui ne nous attend pas, qui est parfois difficile et a de nombreux codes et contraintes avec lesquels nous devons faire avec tandis que nous cherchons à nous connaître, nous affirmer, souvent même à nous accepter et nous aimer.

C’est à la fois l’envie de se connaître soi-même et de s’aimer, d’être en paix, heureux et de pouvoir affirmer son être, et en même temps cette recherche de connaître l’autre, de l’aimer et de communiquer véritablement et en sûreté

Vous ne parlez jamais de votre relation avec vos parents pendant la période de l’adolescence, ou très peu de votre père. Chaque adolescent pendant « cette métamorphose » rencontre plus ou moins une période conflictuelle avec l’ éducation, pas vous. Votre comportement, ce mal être ou cet état de joie excessif n’a jamais inquiété votre entourage, vous ne laissiez rien transparaître ?

J’avais la chance d’avoir des parents très ouverts qui m’ont permis de poursuivre mon parcours atypique, d’être libre, même si aujourd’hui encore il ne comprennent pas forcément tout, par rapport à mes choix et ma façon de vivre, ou même mon écriture ! Mais le principal est qu’il m’aiment et m’aident depuis toutes ces années en respectant ma liberté. Je ne peux pas dire que je ne les ai jamais inquiétés, bien au contraire, la partie « abîme » a été pour mes parents et moi vécue de manière traumatisante. Nous avons vécu cette épreuve tous les trois, je m’en aperçois aujourd’hui davantage, à l’époque il me semblait surtout être seule avec les affres que je vivais et contre lesquels ils ne pouvaient pas me protéger, cette fois. J’étais complètement coupée du monde et n’avait qu’eux, pendant une année qui a paru très longue. Je leur en suis très reconnaissante aujourd’hui d’avoir été là et de m’avoir permis de traverser cela, de m’en sortir.
Les montagnes russes de la partie « flamme folle » ont été un peu perçues par mes parents qui effectivement se sont parfois inquiétés de cette espèce d’hypersensibilité et « étrangeté » qu’ils ont commencé à ressentir, ils sont beaucoup plus terre-à-terre et n’ont pas compris cette quête intérieure et cette quête au sein de mes expériences que j’avais. En même temps ils étaient pour moi un cadre sécuritaire, ils m’ont souvent aidée dans le monde pragmatique, matériel. Cela m’a permis de continuer à explorer à fond cette recherche spirituelle et sensible dans ma vie, de manière presque insouciante par rapport à certaines contraintes de la vie. J’ai été assez privilégiée, peut-être pour compenser avec les autres difficultés, l’intensité de mon parcours, que je livre aujourd’hui. Par ailleurs je pense que ma vie intérieure est vraiment étrangère et secrète à mes parents. En fait, ils sont surpris que je trouve autant de choses à écrire ! Aujourd’hui, ce que je ressens, c’est que ma mère a pleinement admis ma différence de penser et de vivre, elle lit aussi certaines de mes publications. Mon père est très ouvert d’esprit et respecte mes choix, cependant il aimerait davantage que je sois dans le moule, cela le rassurerait et le rendrait plus heureux.

Lors de cette lecture, je vous ai senti très proche de votre frère Michael. A certains moments vous définissez son état personnel. Avez-vous eu l’impression que vos états d’âmes étaient plus ou moins similaires à ce moment là ?

Depuis toute petite j’étais assez fascinée par ce grand frère et fière de lui, en même temps qu’il me semblait un peu inaccessible, et à cette période de nos vies nous nous sommes rapprochés de manière très belle, nous nous sommes effectivement trouvés assez similaires au niveau de l’âme, de notre regard sur la vie.

Oui, il y a eu une période où je me suis sentie très proche de Michael, que je comprenais mieux et avec lequel je me sentais plus en phase qu’avec les personnes que je côtoyais à l’extérieur. Il avait aussi une quête philosophique, spirituelle, poétique ou « chamanique » au même moment que moi, en cette période de fac. Nous avons partagé des lectures et j’étais toujours comblée lorsque je passais un moment avec lui, il était un peu mon idéal masculin, ou ma version masculine. Nos échanges passaient à mes yeux bien plus par nos silences et ressentis qu’en nos dialogues. Michael est quelqu’un de très secret aussi, qui recherchait aussi une intensité hors-normes, c’est aussi quelqu’un d’indépendant qui ne voulait pas se laisser « enfermer » mais explorer.

Et votre autre frère Matthieu ?

Mon autre frère Matthieu était aussi pour moi un certain idéal masculin, une version masculine de moi-même par d’autres aspects

J’ai observé deux phases dans votre cheminement personnel, la période fin collège et lycée, puis la fac (laissant place à la curiosité du lecteur). Avec le recul, lorsque vous décidez de reprendre vos écrits pour en faire un roman autobiographique, quel est votre regard sur cette adolescente ?

Le regard que je porte sur l’adolescente que je retrouve en ce tome est un regard à la fois tendre de compréhension et de souvenirs imprimés comme beaux dans ma mémoire, beaux peut-être même davantage après coup car justement certaines choses lues avec du recul sont perçues différemment, moins dans l’émotion, on y lit davantage un passage nécessaire. Je retrouve des expériences qui me sont personnelles mais aussi vois une universalité en cette adolescence, qui fait me fait penser que d’autres jeunes filles pourraient vraiment se retrouver en ce que je dépeins. L’un de mes premiers lecteurs qui a été un garçon de 18 ans m’a dit aussi s’y retrouver et cela, à mes yeux, est précieux, cette correspondance intérieure entre les hommes en dépit de leurs différences.

Avec le recul, avant que le verdict ne tombe, quand vous analysez votre comportement, vous êtes vous demandé si vous n’auriez pas pu trouver une autre alternative si ce n’est l’écriture de sortir de cette spirale infernale ?

L’écriture a été pour moi un enchanteur, une « pensine » et un support, un exutoire à certains moments, une aide pour dépasser certaines choses et favoriser ma compréhension, vis-à-vis du monde extérieur comme du monde intérieur; et favoriser aussi ma compréhension par rapport à mon parcours à la relecture. C’est un bon éclairage dans une évolution spirituelle et personnelle, vivante, du moment que l’on écrit avec son cœur, avec son âme. Cependant à mes yeux l’écriture passe bien après la vie elle-même, les actions et les pensées que nous choisissons instant après instant, les états d’esprits, espoirs et aspirations, les efforts, et ce qui m’a permis et me permet encore et toujours de passer de l’ombre à la lumière c’est cela, l’écriture est plutôt là pour en témoigner comme un petit reflet de vie sous-jacent.

Pour finir, si vous aviez un message, quel serait-il ?

Si quelqu’un me lisait et se sentait moins seul en voyant qu’en mon expérience cette confrontation avec l’instabilité des relations a aussi été douloureuse cela serait à mes yeux une bonne chose. Mon but en partageant mes écrits n’est pas de dire: « regardez, j’ai souffert » mais « regardez, moi aussi j’ai cherché ce que nous cherchons tous plus ou moins fort, l’Amour, et pour moi non plus ça n’a pas été facile. Voici mon expérience unique et universelle »

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.