Il y a ce besoin dans l’écriture, impétueux, de tout raconter, devenant presque par moment une écriture de la précipitation, les mots couchés comme on les pense, bruts, sans pause ni respiration, comme si la peur était aussi dans l’oubli. C’est court mais parfois long, précis tout en étant sinueux, intense.

ySion°Ð¿cÇa évolue en même temps que le récit et les actions qui s’y déroulent. Ça entraîne le spectateur dans son opulence de points virgules et de répétitions et l’embarque dans la peur ancienne, celle des croyances, des certitudes non rationnelles qui n’en demeurent pas moins ancrées en nous, là, anciennes, profondes. C’est que cette écriture n’est pas une écriture de l’intérieur. Il y a ce « vous » (ceux dans la montagne) et le « nous » (les villageois), du point de vue duquel l’histoire est racontée. Et puis ces « ils disent », qui contribuent à faire du récit un conte, un mythe, une histoire d’anciens que l’on se raconte au coin du feu.

Car la Grande Peur, avec des majuscules, c’est la peur dans sa définition la plus pure et la plus originelle. C’est l’angoisse de tout ce que l’on ne voit pas, que l’on ne connaît pas. Que l’on ne peut pas expliquer. C’est l’Inconnu. Cette Peur, bien sur elle est dans la montagne. Parce que c’est l’endroit idéal pour cela. Avec ces masses, ces puissances encerclantes, toutes de pierre, aussi vieilles que le monde, écrasantes, majestueuses et terrifiantes. C’est le climat, l’absence de faune, le torrent, le glacier, le silence, l’isolement. La Grande Peur devient la montagne elle-même, puis la montagne devient homme (« En es-tu sûr ? disait Barthélémy…Parce que c’est peut être Lui »).

Ramuz nous fait une chronique du rapport de l’homme à son environnement, sur lequel il cherche en vain à mettre une image familière, rassurante. Une chronique de la force de la Nature. Tout ce que l’homme fait, il le fait dans une relation intime à cet environnement qui le domine. Ramuz s’attarde pour décrire la nature. Il y revient souvent, il l’aime, elle ponctue le récit, elle le rythme et le colore, lui donnant toute sa profondeur.

La tension monte, jusqu’au dénouement final, jusqu’au drame, où les hommes, pris dans une fatalité qu’ils ne comprennent pas mais acceptent nous laisse comme à bout de souffle dans cette course contre quelque chose de toujours plus fort que soi.

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