Beowulf est une des pièces maîtresses de la culture anglo-saxonne, composée dans les derniers siècles du premier millénaire de notre ère. Nous savions depuis pas mal de temps que le grand J.R.R. Tolkien, auteur de multiples ouvrages sur la Terre du Milieu, s’était essayé à une traduction de ce monument en anglais moderne. Ce n’est que maintenant que la traduction de cette traduction nous arrive aux éditions Bourgois. Avis sur la question.
L’ouvrage paru chez l’éditeur français ne contient pas « seulement » la traduction de Beowulf mais également toute une partie de commentaire de la démarche entreprise par le professeur Tolkien, ainsi qu’une nouvelle écrite par lui, intitulée Sellic Spell.
La traduction de Beowulf par Tolkien en elle-même est difficile à juger, vu que nous avons ici une traduction française de cette traduction-là. Ceci étant, la relative accessibilité du texte en français nous laisse deviner à quel point le travail de remise au goût du jour linguistique a dû être important et s’avère viable. Des notes de la traductrice, Christine Laferrière, accompagnent parfois des explications spécifiques concernant la version française lorsque certains passages des commentaires sont très axés sur les différences entre vieil anglais et anglais moderne.
De manière générale, ces commentaires sont une véritable mine d’or, avec des anecdotes et des points plus pointus qui s’adressent aux linguistes les plus acharnés, qui y verront l’occasion de comprendre la méthode de l’auteur pour donner du sens à une traduction moderne d’une telle œuvre. En fait, ces commentaires rappellent énormément l’approche d’autres textes de Tolkien ou compilés par son fils, Christopher, et en particulier les tomes de l’Histoire de la Terre du Milieu, avec tout ce que cela implique de moments de lecture accessibles et d’instants où il faudra s’impliquer davantage dans la lecture pour y trouver quelque chose qui nous intéresse. Si les admirateurs de l’auteur – et j’en fais partie – feront l’effort ou auront plaisir à découvrir les multiples éléments de l’approche de la traduction, il est malheureusement évident que tout le monde ne sera pas intéressé par cet aspect.
Les commentaires mettent également en avant une façon de travailler que l’on retrouve dans une grande majorité des œuvres de Tolkien, plusieurs versions se succèdent dans un désordre parfois très déstabilisant pour son fils, chargé de tout remettre en place pour rendre publiables ces écrits. Si Tolkien avait très tôt terminé une version complète de sa traduction, il y est revenu à de multiples reprises, ce qui a compliqué la tâche au moment de publier cet ouvrage. Enfin, il faut signaler que le professeur a été celui qui a remis en avant ce poème et qui l’a en partie réhabilité en tant que l’un des plus grands morceaux de culture anglo-saxon – notamment lors de sa conférence dédiée à l’œuvre en 1936 – et que Beowulf a considérablement influencé sa carrière et ses œuvres. Il est certain que si Hobbit ou Seigneur des Anneaux il y a eu, ils n’auraient pas été les mêmes sans Beowulf.
Parlons également de Sellic Spell, qui signifie « récit merveilleux », où Tolkien reprend la première partie du poème pour en faire un récit avec les éléments caractéristiques du conte de fée, avec une fin plutôt heureuse et quelques destinées différentes. Deux versions bilingues du lai de Beowulf sont également incluses.