Principal portrait d'Evariste Galois
Principal portrait d’Evariste Galois

Comme Achille, Evariste choisit la gloire et une vie éphémère plutôt qu’un destin tranquille et oisif : « A quinze ans, Evariste Gallois découvre les mathématiques ; à dix-huit ans, il les révolutionne ; à vingt ans, il meurt en duel. » François-Henri Désérable sait écrire cet être d’exception dans une verve tonitruante et truculente, empreinte de mots rares et drôles et de digressions savantes et joyeuses. Il tire des parallèles hilarants avec le plus trivial de notre époque – ainsi, à propos de la conception de l’héroïque mathématicien : « Et puis il y a cette scène, qu’on est réduit à imaginer – les sextapes, hélas, n’existaient pas. » – et rend totalement glamour la théorie des groupes. Ce qui n’était pas gagné d’avance.

 Tout à la fois attendri par son personnage, amusé du sérieux du sujet, ému par ce destin dramatique, le romancier repense totalement la biographie et produit quelque chose comme la biographie d’un roman, mettant en scène le lecteur en train de lire – cette fameuse « Mademoiselle » à qui s’adresse le narrateur – et le romancier en train d’écrire, aux côtés du personnage. Mademoiselle est le chapeau, quand le narrateur est les chaussures.

 Si Françoitéléchargement (1)s-Henri Désérable dévoile ainsi le romancier entre les pages du roman, c’est aussi parce qu’en écrivant l’histoire d’Evariste, il s’écrit lui-même. Il y a en effet sous la biographie une autobiographie en creux, motivée par l’existence d’une profonde parenté entre le travail de l’écrivain et du mathématicien, car « (…) de même que l’écrivain pour qui une phrase n’est pas une phrase tant qu’elle n’est pas la phrase, pour qui le texte est corps et souffle, rythme et puissance, grâce et poésie, pèse chaque mot avant de le placer dans l’écrin de ses pages, s’incarne dans le verbe, est le Verbe en personne, le mathématicien qui dans une simple formule ne perçoit pas autre chose qu’une suite de nombres et de symboles obscurs, mystérieux, mais un moyen de se soustraire au monde pour mieux s’en emparer, d’échapper au réel pour mieux l’assujettir, ce mathématicien-là, mademoiselle, s’incarne dans le nombre comme l’écrivain dans le verbe, est le Nombre en personne. » Et si cette parenté entre l’œuvre littéraire et l’œuvre mathématique est présente en filigramme entre toutes les lignes d’Evariste, c’est pour dire au lecteur que la géniale beauté du langage à deux visages.

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