Parmi tous les contes et toutes les légendes qui hantent notre belle France, le mystère de la Bête du Gévaudan reste l’un des plus brumeux. Plus de 250 ans après qu’elle ait terrorisé la Lozère, le souvenir de la Bête reste vivace et son identité toujours plus fantasmée. Au travers d’un jeu de traque et de déduction, l’éditeur Multivers nous propose de nous glisser sous les poils du monstre autant que dans la peau des enquêteurs de l’époque. Découverte…
An de grâce 1764. Le village de Malzieu est en effervescence. Dans la foule massée sur la place du marché, il se murmure que le carrosse de l’Evêque de Mende ne tardera plus à arriver. Il sera très vite suivi par celui du Marquis d’Apchier. Tous deux ont été dépêchés par le bon Roi Louis XV et aucun des habitants, même s’ils sont impatients de les voir, n’est dupe sur la raison de leur venue : ils sont là pour la Bête. Un peu à l’écart, un homme bourru demeure adossé au mur en chaume d’une petite maisonnette. Il s’agit de Jean Chastel. Il ne le sait pas encore mais l’Histoire retiendra son nom comme celui du héros du Gévaudan, celui qui a vaincu la Bête. A moins que quelqu’un ne réécrive l’histoire…

Je te tiens, tu me tiens par la barbichette (celle du diable ?)
La Bête est un jeu de traque prenant place dans le cadre très immersif de la Lozère du XVIIIème siècle. Dans celui-ci, un joueur incarnera la Bête tandis que les autres se répartiront les rôles des enquêteurs. Pour la première, l’objectif sera simple : faire 25 victimes en l’espace de trois ans (soit douze saisons). Pour les seconds, il faudra soit l’en empêcher soit la démasquer en révélant à tous sa véritable identité…
En début de partie, la Bête devra en effet choisir secrètement sous quelle identité elle s’apprête à commettre ses meurtres. Un fauve égaré ? Une meute de loups ? Le vagabond que l’on ne cesse de croiser dans les environs d’Auvers ? Ou alors le Comte de Morangiès, revenu récemment d’Afrique et dont on soupçonne les mœurs douteuses ? A moins qu’il ne s’agisse tout simplement de l’œuvre du diable… Voilà déjà une bonne idée proposée par le jeu et surtout une idée respectueuse du contexte de l’époque. Les enquêteurs ne savent pas exactement à quoi ils doivent faire face mais ils auront tout intérêt à le découvrir…

Traque vs Traquenard
Sur l’ensemble des douze tours que va compter la partie, La Bête va donc arpenter le Gévaudan pour y faire couler le sang. Contrairement aux grands classiques des jeux de traque (coucou Scotland Yard), il ne s’agira pas pour les enquêteurs de se trouver sur la même case que la Bête pour réussir à la stopper. Ici, ils devront plutôt tenter de protéger les villages se trouvant à proximité du dernier massacre en date tout en tentant d’identifier les traces qu’elle aurait pu laisser (plus facile à dire qu’à faire).
Les identités de la Bête sont d’ailleurs une des clefs du jeu car autant il sera (plus ou moins) possible de freiner sa frénésie meurtrière, autant il sera compliqué d’identifier ses traces. Pour peu que le joueur jouant le rôle du monstre s’y prenne bien, il prendra garde de laisser uniquement des traces que les enquêteurs à proximité sont incapables d’identifier. A moins qu’il ne choisisse de prendre des risques pour maximiser son nombre de victimes. Ou plus simplement qu’il ne tente un audacieux coup de bluff…
Viens chasser dans la Lozère de l’époque
La Bête, traque en Gévaudan a de nombreux atouts à faire valoir. Pour débuter, son matériel est très qualitatif mais surtout délicieusement immersif. Des petits meeples aux jetons de la Bête en passant par les plateaux des différents enquêteurs, tout est parfaitement dans le thème. Avec en plus une mention spéciale pour le superbe plateau de jeu représentant la carte du Gévaudan du XVIIIème siècle. C’est d’ailleurs avec un plaisir non feint que les joueurs l’observeront sous toutes les coutures pour y décider des déplacements les plus judicieux.
Ensuite, il est très respectueux du mythe de la Bête du Gévaudan. Le livret des règles est ainsi constellé d’explications historiques et cet attachement à l’histoire de la région et aux drames qui s’y sont déroulés se ressent jusque dans les mécaniques du jeu. C’est suffisamment rare que pour être souligné.
Enfin, les mécaniques justement. Celles-ci soufflent un vent de fraîcheur sur les jeux de traque et de déduction. Bien sûr, il s’agit toujours d’anticiper les mouvements des uns et des autres mais nous avons apprécié que la Bête puisse disposer de pouvoirs selon l’identité sous laquelle elle décide d’agir pour le tour. De même, le principe que la Bête puisse se trouver dans un même village qu’un enquêteur sans pour autant que la partie ne se termine nous a aussi beaucoup plu.

« C’est un poil tendu-tendu par ici, non ? » – Jean Chastel (circa 1765)
Mais le plus grand plaisir du jeu réside évidemment dans les sensations qu’il procure. Comme dans tout bon jeu de ce type, on sent la tension monter au fur et à mesure des tours. Pour la Bête, ce sera se sentir traquée, sentir l’étau se resserrer petit à petit autour d’elle et voir que l’on fera tout pour l’empêcher de commettre les atrocités auxquelles sa nature la pousse (notamment en renforçant les défenses des villages). Quant aux Enquêteurs, ils seront en permanence ballottés entre l’inquiétude de voir le nombre de victimes grandir, la frustration de sentir la Bête leur filer entre les doigts mais aussi la satisfaction d’avoir réussi de temps à autre à protéger un village de ses attaques.
Bref, aussi beau qu’immersif et tendu, La Bête séduira facilement tous les amateurs de jeux « one vs all » et de jeux de traque.
La Bête, traque en Gévaudan, un jeu de Charlec, illustré par Ann & Seb, édité par Multivers et distribué par Ludistri.
Nombre de joueurs : 2 à 5
Âge : dès 10 ans
Durée moyenne d’une partie : entre 45 et 60 minutes