La question de la laïcité, un sujet subversif qui depuis trois siècles continue de diviser les foules. La question de la laïcité c’est aussi, malheureusement, une question d’actualité. Sa légitimité est sans cesse remise en cause, son champ d’application est souvent interprété à mauvais escient. Tout le monde l’évoque, l’interprète, a son idée sur la question mais au fond, peu de personnes savent ce que recouvre cette notion.
Qu’est-ce que la laïcité ?
Le terme « laïcité » qui d’ailleurs puise ses origines dans le domaine religieux, désigne celui qui n’est pas prêtre. La notion même de laïcité est le fruit d’un long cheminement. Elle ne s’est pas construite en un jour au même titre que les autres libertés fondamentales. Toutes ont nécessité du temps, ont du s’affranchir de certains obstacles avant de devenir une nécessité sociale consacrée par le législateur.
On peut considérer que l’histoire de la laïcité s’est construite principalement en 3 temps :
La révolution française
La révolution française marque un tournant majeur. L’idée selon laquelle le monarque tiendrait son pouvoir non pas de dieu mais de l’Etat est née et avec elle, la liberté religieuse. Les curés qui étaient en charge d’enregistrer les naissances, se voient retirer ce droit au profit des communes. Ce processus de laïcisation se poursuivra avec les hôpitaux, les curés qui deviendront fonctionnaires…
La loi Jules Ferry
Cette première avancée sera complétée par les lois Jules Ferry de 1882. Le principe selon lequel l’école est laïque est posé. L’école, sa structure, son personnel ainsi que les programmes scolaires deviennent laïcs. L’école qui « éduque » doit demeurer neutre et respecter les croyances religieuses de chacun lesquelles relèvent de l’intime.
La loi sur la séparation des Eglises et de l’Etat
Pour autant, il faudra attendre la loi cadre du 9 décembre 1905 pour qu’enfin la séparation de l’Eglise et de l’Etat soit affirmée et consacrée par le législateur. La lecture des deux premiers articles est essentielle pour saisir la portée exacte du principe de laïcité. Ainsi, l’article 2 rédigé comme suit consacre la séparation de l’Eglise et de l’Etat :
« La République ne reconnaît, ne salarie, ne subventionne aucun culte ».
Il faut souligner ici, l’erreur souvent commise de croire que cette séparation ne concernerait que la religion catholique. En effet, le législateur a voulu affirmer l’indépendance de « la chose publique » avec la religion au sens générique du terme quelle qu’elle soit.
Le principe de séparation étant posé, il n’implique pas pour autant une quelconque neutralité de l’Etat à l’égard des croyances d’où l’article 1 lequel affirme :
« La République assure la liberté de conscience et elle garantit le libre exercice des cultes ».
Cet article complète l’article 2 en ce qu’il impose à l’Etat non seulement un devoir de neutralité au regard des croyances de chacun mais proclame également la liberté pour chacun de croire en ce qu’il veut.
La loi de 1905 pose ainsi les fondements de la laïcité. Pour autant, une question demeure : qui est tenu de respecter le principe de laïcité ? Cette obligation vise-t-elle exclusivement les personnes publiques ou s’étend-elle également aux personnes privées ? Les confusions sont nombreuses entre les personnes soumises au droit public et celles qui relèvent du droit privé.
Ainsi, sont considérés comme des personnes publiques, tous les établissements qui, par nature, sont des établissements publics (collectivités territoriales, écoles communales…), mais pas seulement. En effet, sont assimilés aux établissements publics les établissements privés qui par délégation assurent une mission de service public. A titre d’exemple, une crèche privée qui se verrait confier par délégation une mission de service public, serait assimilée à une personne publique. En revanche, si une crèche privée assure une mission de service public alors que la gestion ne lui a pas été confiée par l’Etat, elle demeure une personne privée.
En d’autres termes, le principe de laïcité et de neutralité s’impose dans la sphère publique, pas dans la sphère privée. C’est ainsi que la Cour de Cassation dans un arrêt du 19 mars 2013 (affaire Baby Loup) a cassé l’arrêt de la Cour d’appel au motif principal que le principe de laïcité ne s’imposait qu’aux personnes publiques ou aux personnes privées gérant une mission de service public, mais non aux personnes privées. Cet arrêt de la Cour de Cassation a soulevé de vifs débats posant la question de l’extension du principe de laïcité aux établissements privés assurant une mission de service public sans en voir la gestion notamment dans le domaine de l’enfance. Toutefois, la Cour de cassation précise toujours dans ce même arrêt, que « les restrictions à la liberté religieuse devaient être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle et déterminante, et proportionnées au but recherché ». La Cour de Cassation a tranché le 25 juin 2014 considérant que les restrictions à la liberté religieuse mentionnées dans le règlement intérieur étaient suffisamment précises, proportionnées et justifiées par la nature des tâches à accomplir au sein de l’association confirmant ainsi le licenciement de l’employée de la crèche Baby Loup. L’arrêt de la Cour de Cassation n’est pas sans susciter quelques interrogations quant à l’appréciation du caractère de généralité ou bien encore de proportionnalité laissée à l’appréciation des juges. Tout porte à penser que d’autres structures se prélaveront de cette jurisprudence pour limiter la liberté religieuse sur leur lieu de travail.
Le débat entre les défenseurs de la laïcité et ses détracteurs a encore de beaux jours devant lui.