Le Seigneur des Anneaux est l’une des œuvres les plus marquantes du XXème siècle, on ne vous apprend rien. Aussi, lorsque l’éditeur Christian Bourgois annonce une nouvelle traduction de cette légende en français, après celle initiée en 1972 – assurée par Francis Ledoux – lors de la parution en France du premier tome, nous n’avons pas résisté à l’envie de vous donner notre avis sur ce sujet hautement sensible pour toute une communauté.
D’abord, précisons que nous allons tenter de ne pas perdre les lecteurs un peu plus occasionnels de l’œuvre de Tolkien. Aussi, nous essaierons de ne pas aborder trop souvent les liens du Seigneur des Anneaux avec les écrits additionnels publiés dans « l’encyclopédie » Histoire de la Terre du Milieu, lorsqu’il s’agit d’aller chercher certaines origines dans les mots traduits par le nouveau traducteur, Daniel Lauzon.
Tous les lecteurs assidus ou fans de l’univers auront tout de suite remarqué un changement dans le titre – qui devrait être le seul de ce point de vue-là, tant les titres des autres tomes semblent transparents – qui remplace donc le terme « Communauté » par « Fraternité ». En terme de sens pur, le changement peut se discuter. En anglais, Fellowship se rapproche d’un esprit de « camaraderie » plus que de « fratrie », le mot « fellow » pouvant signifier « compagnon », le terme « Compagnie de l’Anneau » eut été peut-être plus approprié, mais le mot choisi peut également correspondre, étant donné la nature de la relation entre les membres du groupe partant à l’aventure.
Plus généralement, les changements qui sautent le plus aux yeux concernent les noms propres que Daniel Lauzon a très largement remaniés. Bien entendu, il a suivi la ligne tracée lors de sa retraduction du Hobbit et gardé les mêmes noms, en ce qui concerne les personnages et familles présents dans les deux histoires. Ainsi, Sacquet devient Bessac ou Fondcombe devient Fendeval. La plupart des changements sont plutôt judicieux, mais on ne peut s’empêcher de s’accrocher aux anciens noms. Surtout que pour la plupart, ces noms étaient relativement bien traduits, dans un esprit de retranscription du sens induit par ces noms dans la version originale vers la française. Le vrai atout de cette retraduction massive des œuvres majeures de Tolkien tient dans le fait que la France aura – ENFIN – une continuité stricte en terme de forme entre ces deux histoires. Chose qui n’était pas de mise auparavant. Bilbo Baggins devenant Bilbon Sacquet entre Le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux, dans la traduction de Ledoux.
La retraduction se caractérise par tout un tas de petites modifications qui donnent du sens à des passages auparavant plus énigmatiques, en partie du fait de la traduction parfois hasardeuse. C’est un sentiment général et nous n’avons pas été jusqu’à comparer ligne par ligne les deux traductions, mais le récit semble globalement plus clair et les différentes phases de l’histoire plus compréhensibles. Le problème principal de la précédente version française tenait dans le fait que certains termes propres à l’univers n’étaient pas compris correctement, notamment dans la construction des mots. D’autres cas nous montraient des noms de lieux parfois traduits de telle manière qu’ils ne respectaient pas l’idée première de l’auteur. Nous pensons à La Forêt Noire, traduisant Mirkwood. Si la racine linguistique traduit « Mirk » par « obscur » ou « obscurité », la traduction paraît simpliste et se rapporte, de plus, à une forêt déjà connue dans notre monde bien réel. Le nom de Grand’Peur est alors choisit pour coller au nom que prend Vert-Bois Le Grand après que le mal y soit venu. Si cet exemple concerne la retraduction du Hobbit, La Fraternité de l’Anneau n’est pas exempte de modifications de ce type. Ainsi, le nom de famille Deephallow devient Grandcroix, pour bien illustrer la connotation spirituelle du terme original.
En bref, et sans reprendre tous les termes retraduits par Daniel Lauzon, nous ne pouvons que saluer cette volonté de l’éditeur Christian Bourgois de proposer une traduction plus proche de l’original, après l’immense travail déjà mené pour la traduction du regroupement de texte Histoire de la Terre du Milieu, encore incomplet en français. Ce nouveau traducteur n’a, bien sûr, pas été choisi au hasard, puisqu’il est responsable de toutes les traductions des inédits de Tolkien en français. Le travail qu’il a fourni a toujours été de qualité et avoir une cohérence entre Le Hobbit, Le Seigneur des Anneaux et HoME – History of Middle Earth – nous permet de nous rapprocher d’autant plus de la version originale et de l’auteur.
Et un grand merci à l’éditeur Christian Bourgois pour avoir eu la gentillesse de nous fournir un exemplaire de La Fraternité de l’Anneau pour pouvoir vous donner notre ressenti !