Grand acteur français des années 1970, sa disparition précipitée le 16 juillet 1982 l’a condamné à l’oubli. Retour sur l’un des plus grands acteurs français à travers quelques points de sa vie.
Une enfance théâtrale
Patrick est né à Saint-Brieuc d’une mère comédienne, Mado Maurin et d’un père chef d’orchestre, Michel Têtard. Il ne connaîtra jamais son vrai père, qu’il avait tenté de retrouver sans relâche. Patrick était en fait le fruit d’un amour passionnel, dont l’issue se termina brutalement lorsque Michel Têtard apprit la grossesse de Mado. Pourtant, on lui a fait croire de nombreuses années que son père biologique était Pierre-Marie Bourdeaux, le premier époux de sa mère. Débuts de vie difficiles.
Dès sa plus tendre enfance, celui qui s’appelait alors Patrick Bourdeaux enchaînait les castings sous les ordres de sa mère. Entraîné dans la boucle du théâtre et des petits rôles à la télévision dès l’âge de trois ans, le petit garçon ne prend aucun plaisir à jouer. Avec ses frères, il fait partie des « petits Maurin », car tous sont lancés sur les planches dès leur plus jeune âge.
Les Valseuses : le tournant décisif de sa carrière
Il adopte le nom « Dewaere » en 1967, qu’il tient de son arrière-grand-mère maternelle. C’est lors de la même année qu’arrive son premier succès dans le feuilleton Jean de La Tour Miracle. Il y tient le premier rôle et se fait pour la première fois remarqué par le public.
En 1968, il fait la connaissance de la troupe du Café de la Gare, qui lui ouvre les yeux. Finis les rôles de jeunes premiers ; il faut déjà faire peau neuve et trancher avec le cinéma rangé de son temps. Mai 1968 n’est pas étranger à cette idéologie. Il y rencontre une nouvelle famille et grâce à eux, obtient en 1974 son premier grand rôle au cinéma : celui de Pierrot dans Les Valseuses de Bertrand Blier. Dewaere a depuis adopté la moustache pour se vieillir et s’enlaidir, comme il aime le préciser. Son visage de jeune premier de Jean de La Tour Miracle l’incommode.
D’acteur à star
Avec le succès phénoménal des Valseuses, Patrick Dewaere devient l’acteur phare de sa génération, aux cotés de son compère Gérard Depardieu. Il enchaîne les rôles (seize films dans les années 70 !) et incarne aussi bien des hommes de la sureté (qu’il méprisait pourtant) dans Adieu Poulet et Le Juge Fayard, que des voyous dans Préparez vos mouchoirs et Série Noire. Il alterne entre des films d’auteurs et des grosses productions : on le voit jouer dans le très réussi premier long-métrage de Claude Miller, La meilleure façon de marcher, puis dans Coup de Tête de Jean-Jacques Annaud, où il incarne un footballeur borné.
Son jeu incarné, très expressif et à fleur de peau attire le public et inspire de nombreux acteurs encore aujourd’hui. A ce titre, nous pouvons citer Vincent Cassel s’est beaucoup inspiré de son jeu fébrile en jouant Paul dans Sur mes lèvres ou encore Pierre Niney, qui lui a rendu hommage lorsqu’il a gagné le prix Patrick Dewaere, qui récompense les jeunes acteurs.
La part d’ombre d’un acteur dévoué
Au-delà de sa carrière d’acteur, les drames qui ont constitué la vie de Patrick Dewaere l’ont marqué à jamais et amené à commettre l’irréparable. Il fait la connaissance de Barabra Anouilh par l’intermédiaire de Patrick Bouchitey, qu’il avait rencontré sur le tournage de La meilleure façon de marcher. Dewaere consomme pour la première fois de la drogue avec elle. Cette consommation deviendra une addiction et Dewaere ne s’en séparera jamais. En 1980, Claude Sautet lui refuse même le rôle de son prochain film Un mauvais fils, par peur de ses dérapages. Pourtant, Patrick lui promet d’arrêter, ce qu’il fera ; mais son addiction reprend ensuite de plus bel.
Patrick Dewaere dans Coup de tête de Jean-jacques Annaud
En 1975, son idylle avec Miou-Miou, qu’il avait rencontré au Café de la Gare, se termine, car elle tombe amoureuse de Julien Clerc qu’elle a rencontré sur un tournage. En apprenant la nouvelle, Dewaere, fou de rage, attend Julien Clerc à la sortie des plateaux pour lui enfoncer un coup de poing dans le visage. Plus tard, Yves Boisset, réalisateur du Juge Fayard, l’aperçoit même en train d’arracher des affiches de Julien Clerc dans les rues de Saint-Etienne.
Au cinéma, son rôle le plus saisissant est certainement celui dans Série Noire. L’acteur y incarne Franck Poupart, un homme malheureux et sans but. Dewaere l’incarne avec passion, voire folie démesurée, ce qui affecte viscéralement le spectateur. Lola Dewaere, la fille de l’acteur, affirme d’ailleurs qu’il est très pénible pour elle de regarder ce film. Une scène particulièrement marquante dépeint Franck en train de se fracasser le crâne contre une voiture. Dewaere y met tant de force et de frénésie qu’il se blesse réellement.