Georges Frog, petite grenouille jazzy, naquit il y a une dizaine d’années du crayon de Phicil. Aujourd’hui, dans leur collection Métamorphose, les éditions Soleil ont l’excellente idée de réunir les quatre tomes originaux pour en faire un superbe album aux allures de roman graphique mais au format BD. Découverte.
Dans les années 30’, Georges Rainette débarque dans un New-York en plein dépression avec un rêve au fond de sa poche, devenir Georges Frog, un jazzman dont on s’arracherait les compositions. Arrêtant le conservatoire pour se consacrer à sa passion et subsistant (difficilement) grâce aux quelques cours qu’il dispense, Georges va se heurter à de nombreuses difficultés. Du père tyrannique de la belle Cora dont il est éperdument amoureux aux factures impayées qui le conduiront à partager un fond d’entrepôt avec d’autres musiciens, notre batracien de héros sera vite confronté à un choix douloureux, celui de poursuivre ses rêves ou de se résigner. Ira-t-il jusqu’à se perdre pour mieux se retrouver ?
Bien plus que l’histoire de Georges Frog, cette grenouille parfois colérique, souvent rêveuse mais toujours attachante, c’est une période trouble des Etats-Unis que dépeint Phicil au travers de cet album. Au-delà des rêves brisés d’un musicien tourmenté, l’auteur évoque les préjugés sociaux, la fracture raciale qui divise la société et la tendance consumériste qui peu à peu devient dévorante.
Si le Petit Rêve de Georges Frog est donc bien plus que ça, il est aussi (et avant tout) un hommage au Jazz. On se régale en voyant ces animaux improviser quelques swings lors d’une Rent Party ou dans un « terrier » et lorsque Georges se met au piano et est accompagné de l’ours Harry à la contrebasse, de la souris Micke à la trompette et de la jeune lapine Rose au sax, on a l’enivrant sentiment de presque pouvoir entendre les notes qu’ils jouent. Les férus de jazz ne pourront s’empêcher de sourire à l’évocation de Duck Ellington, de Django Renard et de Beef Basie. Très clairement, Le Petit Rêve de Georges Frog est un album de passionné et cela se ressent.
Pour preuve, un petit dossier retraçant l’origine du jazz a été inséré en fin de volume. Il comporte même une discographie proposée par l’auteur pour accompagner la lecture. Un seul petit regret, nous aurions aimé le trouver en début de volume et non à la fin, un peu comme une mise-en-bouche. Cela nous aurait permis de réellement écouter la sélection musicale de Phicil pendant la lecture et non de la découvrir une fois la dernière page tournée…
Bref, avec une histoire touchante, un questionnement sociétal (malheureusement toujours d’actualité) et un New-York des années 30’ bien rendu (notamment grâce au joli travail de la coloriste Drac), Le Petit Rêve de Georges Frog, malgré une conclusion qui nous laisse quelque peu sur notre faim, est un album de qualité dont les fans de jazz (et les autres) se délecteront.
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