Chaque année, les projecteurs se tournent vers les prix littéraires les plus « médiatisés » et les plus « prestigieux » tels que le prix Goncourt, Renaudot ou encore Médicis au détriment d’autres prix, d’autres talents qui méritent également d’être mis en exergue.
Tombé un peu dans les oubliettes, Conso-Mag a décidéde dépoussiérer le Grand Prix de l’Humour Noir dans un contexte particulièrement mitigé, où ce type d’humour fait les choux gras de la presse avec ses défendeurs et ses pourfendeurs. Se pose toujours cette sempiternelle question : peut-on rire de tout ?
Bien évidemment notre choix fait écho aux événements de janvier dernier, où nous découvrions avec effroi qu’un coup de crayon railleur pouvait vous octroyer un aller simple pour le paradis.
L’Humour Noir est un garant manifeste d’une démocratie en bonne santé, il pointe bêtement et méchamment du doigts les vérités dérangeantes, il souligne avec cruauté et dérision l’absurdité de ce monde et les dérives du comportement humain, il dénonce d’un ton cynique et goguenard ce que tout le monde pense tout bas mais ô grand jamais ne dirait tout haut.
Les artistes et les écrivains s’adonnant à l’Humour Noir ne font pas dans la dentelle, c’est du politiquement incorrect dans toute sa splendeur, au risque de heurter certaines âmes sensibles. Vous êtes désormais prévenus, si cela vous déplaît, vous n’avez alors qu’à tracer votre chemin, circulez y a rien à voir.
Bien que certains tentent de museler les journaux, les livres ou les caricatures afin de mieux servir leurs propres intérêts, nous devons toujours nous souvenir que l’un des intérêts de l’Humour Noir est d’éveiller nos consciences de citoyens fantoches tout en s’esclaffant à s’en décrocher les mâchoires. Avant de vous dévoiler par quelle oeuvre va débuter notre chronique du Grand Prix de l’Humour Noir, car chaque rédacteur traitera d’un lauréat de son choix, il serait préférable de vous présenter brièvement ce prix : crée en 1954 par Tristan Maya (écrivain, romancier, poète français), le Grand Prix de l’Humoir Noir se décline en trois récompenses: Le Grand Prix Xavier-Forneret (pour les écrivains), le Grand Prix Grandville (pour les Arts Graphiques) et le Grand Prix du Spectacle (pour les spectacles).
La cérémonie des récompenses est des plus solennelles, puisque celle-ci se déroule dans les salons du café Le Procope à Paris, en général le Mardi Gras. Les lauréats, ceints d’une écharpe funéraire libellée à leur nom, reçoivent en bonne et due forme les condoléances du Jury.
Je le clame haut et fort que la couille dans le pâté mentionnée par Baptiste lors de l’édito#3, c’était moi … Très enthousiaste, je me suis lancée corps et âme à l’attelage du lancement de cette chronique en sélectionnant un ouvrage issue du Grand Prix Grandville alors qu’il m’avait été clairement spécifié d’en choisir un parmi le Grand Prix Xavier-Forneret … Ceci n’est pas un signe ostentatoire de rébellion, mais bien une preuve que je suis une véritable tête de linotte. Donc oui chers lecteurs, pour expier cette faute, je me suis auto flagellée en répétant « Plus jamais je ne désobéirai ». J’ai le postérieur endolori mais les choses étant ce qu’elles sont, cette chronique doit démarrer, donc mes plus plates excuses de commencer par la mauvaise œuvre.
Je déclare dès à présent notre chronique mensuelle du Grand Prix de l’Humour noir ouverte !
Grand Prix de l’Humour Noir Grandville 2012 « Petits et Méchants » de Jean-Pierre Cagnat (dessinateur/journaliste français) a collaboré avec le Canard Enchaîné, Le Monde, l’Express, ou encore Marianne pour ne citer qu’eux.
Cet ouvrage dresse un portrait drôle et sarcastique de ces personnages politiques et historiques dont la petite taille, probablement le point de départ de leur mécontentement, fut grandement compensée par des ambitions et des destins hors du commun. Les caricatures sont hilarantes, les textes cruellement justes. Assoiffés de pouvoir et de reconnaissance, ces Petits et Méchants ont usé de tous les moyens pour parvenir à leur fin et asseoir leur légitimité. Ils ont, comme le souligne Jean-Pierre Cagnat, activement participé à la démographie mondiale, ils ne s’intègrent pas au monde mais façonnent le monde à leur façon, à la hauteur de leur démesure.
L’ouvrage est truffé d’anecdotes en tout genre, aussi croustillantes qu’hallucinantes, dénonçant les actes absurdes et barbares commis par ces personnages. On ne peut s’empêcher de rire mais surtout de s’indigner. Comment l’Histoire peut-elle être façonnée et écrite par ce type d’individus, qui n’œuvrent nullement pour le bien de l’humanité et ne soucient guère des conséquences ?
Jean-Pierre Cagnat souligne un fait important, à travers les siècles, dans tous les pays, dans toutes cultures, les mêmes humains sont victimes des mêmes nuisibles. Triste constat ou mise en garde, il serait peut-être temps de s’élever contre cette bassesse dont nous, pauvres mortels, sommes tributaires.
Petits et Méchants est un livre désopilant issu de l’imagination fertile d’un grand homme, où se mêlent de vrais petits méchants mais également de grands hommes petits.