Publié aux éditions La Différence, « Mon secret » de Niki de Saint Phalle m’a beaucoup surpris visuellement. Lorsque je l’ai reçu, j’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’une erreur. J’avais sous les yeux un cahier grand format, avec sur la première couverture, un dessin de crâne en noir et blanc sur lequel ont poussé des fleurs colorées, le tout sur un fond rose. Un cahier de coloriage ? A l’intérieur, une histoire écrite par une main d’enfant qui enroule les lettres et colorie les majuscules. Ma curiosité piquée au vif, il fallait que je découvre Niki de Saint Phalle. J’ai soudainement pris conscience que le récit qui m’attendait serait percutant.
Niki de Saint Phalle, née en 1930 à Neuilly-sur-Seine, véritable artiste dans l’âme fut tour à tour peintre, sculptrice, réalisatrice de films. Connue surtout pour ses sculptures de grosses femmes en plâtre sur grillage, plantureuses et colorées, elle nous livre ici son secret d’enfant violée par son père à l’été de ses onze ans. Un banquier digne et honorable qui, peut-être habité par une révolution personnelle, n’a pas eu le courage de s’exécuter autrement qu’en prenant possession de sa fille.
L’auteure, à travers cette confession, nous livre ses sentiments les plus sombres sans toutefois chercher à salir son paternel. Éduquée par ces vieilles générations où l’éducation sévère est encadrée par les marques de fouet, où les non-dits et le respect s’imposent, Niki de Saint Phalle s’oblige au silence. Habité par l’amour et la haine, ce récit nous livre les éléments qui l’ont placée en retrait de la société. A travers la pudeur de ses sentiments salis, la provocation, c’est l’art pour lequel elle va œuvrer qui va faire d’elle une artiste exceptionnelle dans le cercle du réalisme.
Dans un premier temps, j’ai été assez sceptique quant à la lecture de cette confession. J’avais peur du voyeurisme, de devoir faire face à la réalité de Niki de Saint Phalle. Le style d’écriture me laissait penser que je serais frappée de plein fouet par la situation. Je culpabilisais, repoussais la lecture. Quelle lâcheté ! Mise à nu, cette enfant salie, violée, mise au ban d’une société qui n’admettait pas l’inceste sans la provocation de la victime. Ceci me pousse à penser que ce récit est un acte de courage et qu’avoir couché ses sentiments sur papier permettra à d’autres de se livrer. J’aime l’idée d’ôter le tabou pour laisser place à la confession, sans en éprouver une honte ou une faute.
Dédié à sa fille, ce petit livre, à la portée de tout le monde et surtout des enfants, doit être lu par tous pour permettre ainsi de livrer les secrets les plus lourds.