Près de deux ans après le très bon Crimes & Punishments, Sherlock Holmes fait son grand retour pour le huitième volet de la saga qui lui est consacrée, The Devil’s Daughter. Pour l’occasion, le développeur Frogwares a choisi de donner un petit coup de jeune au plus célèbre (mais tout doucement poussiéreux) des détectives anglais. Les puristes pourront toujours crier leur émoi dans le désert, force est de reconnaître que c’est un premier défi réussi. Le jeu met en scène un Sherlock Holmes plus dynamique et un Dr Watson rajeuni de vingt ans, sans doute dans le but de séduire un public nouveau et un peu plus jeune que les habitués d’une saga vidéo-ludique débutée il y déjà quatorze ans. Une modernisation qui n’enlève rien à l’authenticité des personnages, ouf, voilà nos premières craintes dissipées.
Sherlock Holmes, père et Indiana Jones à ses heures perdues
En terme d’intrigue, et sans révéler quoi que ce soit qui pourrait vous faire nous détester, disons que notre détective sera confronté à cinq enquêtes qui l’emmèneront du tournoi de boulingrin aux égouts de Londres en passant par un temple maya (si si !). En parallèle de ces enquêtes assez indépendantes les unes des autres, nous assisterons au retour au 221B, Baker Street de la fille adoptive de Sherlock, Kate (dont les habitués se souviendront qu’elle apparaît dans le sixième volet de la saga), ainsi qu’à la présence de plus en plus intrigante d’une nouvelle voisine, Alice De Bouvier.
Dès le jeu lancé, le joueur se sentira délicieusement happé par Le Londres de la fin du XIXème et par l’ambiance si particulière qui s’en dégage. Les graphismes sont beaux, les décors léchés et, même si quelques points restent perfectibles (certains personnages, la texture des feuillages, …), l’ensemble est réussi et participe à cette efficace mise en contexte.
Si les décors sont donc une réussite, il ne nous est en revanche hélas pas possible d’en profiter autant que nous l’espérions. La liberté de mouvement est toute relative et on reste très loin du concept de plus en plus en vogue de « carte ouverte » qui nous aurait permis d’aller de ci de là à la pêche aux indices. Le jeu est en effet assez dirigiste, n’ouvrant les nouveaux lieux qu’à la mesure de nos besoins. Et puisque le terme est lâché, évoquons sans attendre le principal point faible de cet opus, son côté dirigiste. Comme nous venons de l’évoquer, il n’est pas possible au joueur d’arpenter comme bon lui semble les lieux de son choix mais soit, cela permet aussi d’éviter que d’aucuns papillonnent des heures durant dans la mauvaise auberge ou cherchent une maison dans une ruelle qui se situe en réalité de l’autre côté de la Tamise. L’ennui est que l’on retrouve parfois cette impression dans le déroulement même des enquêtes. A peine un indice trouvé et voilà que le jeu vous encourage à aller immédiatement interroger Monsieur X ou Madame Y ou à vous rendre dans votre appartement pour l’analyser ou le confronter à vos archives. A certains moments, le jeu semble nous prendre de vitesse et on aurait aimé se sentir moins cloisonné. Ceci étant dit, ne jugeons pas trop sévèrement cet aspect car être guidé de la sorte permet aussi de conserver un rythme percutant et de rester plongé dans l’ambiance que les développeurs nous proposent. Dirigiste certes, mais (souvent) pour la bonne cause.
Équilibré, bien ficelé, savamment orchestré
Le risque avec ce genre de titre est de tomber dans le verbeux et de donner au joueur le sentiment d’assister à un film d’auteur soliloquent pour lequel sa manette n’est qu’un accessoire inutile. Les développeurs ont su éviter ce piège en faisant de Sherlock Holmes : The Devil’s Daughter un savant mélange de moments d’observation/déduction, de dialogues rythmés et de courtes mais sémillantes séquences d’actions.
Au niveau des enquêtes, les habitués de la saga reconnaîtront vite la recette qui en a fait le succès. Des lieux à passer au peigne fin, des témoins ou des suspects à observer sous toutes les coutures, des connexions neuronales à faire entre les indices pour parvenir aux bonnes conclusions, quelques scènes d’action (une bagarre dans un pub, la traversée d’une salle piégée, quelques jeux d’équilibriste, …), les ficelles sont connues mais toujours aussi efficaces. Et puis, évidemment, un des éléments sans lesquels un Sherlock Holmes ne serait pas un Sherlock Holmes, des petits casse-têtes et autres énigmes jalonnent chacune des enquêtes. Ils sont variés et bien pensés et, si un bouton magique permet aux impatients de les sauter, nous le déconseillons vivement car ce serait enlever le sel qui donne de la saveur à l’ensemble.
S’il fallait encore mettre en lumière quelques points, nous regretterions des temps de chargement fort longs (bien que contrebalancés par la possibilité de les mettre à profit pour relire son carnet de notes ou faire de nouvelles déductions), nous nous réjouirions d’une version française intégrale et de la possibilité, en fin d’enquête, de vérifier ses conclusions et de revenir en arrière pour jouer une autre fin.
Bref, Sherlock Holmes : The Devil’s Daughter ne conviendra pas aux rageux de la gâchette qui ont besoin que leurs doigts épileptiques convulsent frénétiquement sur les touches de la manette pour prendre du plaisir mais ravira assurément les amateurs du genre et ceux qui seraient tentés d’utiliser leur cerveau à la place de leur shotgun virtuel.