Journaliste politique, Henri Vernet nous livre avec Article 36 sa première fiction, un thriller politique sous forme d’alarmante dystopie. Plongée dans un avenir aussi proche que préoccupant et sur le seuil duquel nous nous tenons tous sans en avoir pleinement conscience.
Paris. 20 décembre. Alors que le froid matinal est encore vivace, des colonnes de chars Leclerc font leur entrée dans la capitale sous les yeux ébahis des habitants. Quelques heures plus tôt, le Président Marc Cardignac a activé l’article 36 de la Constitution et a déclaré l’état de siège. Par l’intermédiaire de son nouveau Chef d’État Major, le Général Maxime Gerfaut, il entend rétablir l’ordre et la sécurité sur le territoire français depuis trop longtemps en proie au terrorisme et à la contestation sociale. Alors que certains français se réjouissent de cette mesure exceptionnelle, d’autres y voient une grave mise en danger de la démocratie et une intolérable atteinte aux droits et aux libertés fondamentales dont tout un chacun doit pouvoir jouir.
Disons-le d’emblée, avec Article 36, c’est avant tout sur le réalisme le plus pur que Henri Vernet a voulu miser. L’article 36 existe bel et bien dans la Constitution française et si tout le livre est une pure fiction, il est aussi une fiction dont nous ne sommes pas à l’abri. Henri Vernet le sait et en joue. Il a construit son roman de telle façon que chaque lecteur puisse facilement se projeter dans une société qui n’est finalement qu’à une décision de celle dans laquelle il évolue aujourd’hui. Déjà, les hommes politiques qui y jouent les premiers rôles ne sont pas sans rappeler ceux qui existent réellement. Ensuite, on note l’omniprésence de l’histoire politique récente et entre l’expédition scooter-croissants de François Hollande ou les traditions instituées par Raymond Barre, c’est sans conteste l’ombre du Général de Gaulle qui plane sur ce livre. Enfin, et toujours dans le même ordre d’idée, Henri Vernet a volontairement ancré son roman dans le présent en y multipliant les références à la culture populaire d’aujourd’hui (films, séries, …). Un réalisme brutal et sans concession qui sert incontestablement le propos de l’auteur.
Si le style est irréprochable, le rythme du livre est en revanche moins maîtrisé car par excès de perfectionnisme, Henri Vernet semble s’attacher à décrire l’état de siège dans ses moindres détails (y compris les plus techniques). Il en résulte une alternance de chapitres dont certains sont fluides et agréables alors que d’autres, perclus d’acronymes, détaillent par exemple l’arsenal militaire à des lecteurs perdus et déconnectés. Fort heureusement, ces derniers sont minoritaires et ne prennent pas le pas sur la trame d’une histoire qui, de manipulations en trahisons, respecte les codes d’un réel thriller politique.
En conclusion, Article 36 est un bel ouvrage qui ne manquera pas de mettre en lumière toutes les dérives qui frappent à nos portes avec une insistance croissante. Glaçant de réalisme, il prête à réflexion sur les limites que nous sommes prêts à transgresser au nom de l’intérêt soi-disant supérieur et il ravive plus que jamais le débat sur la limitation des libertés au nom de la sécurité.
Article 36, un roman de Henri Vernet édité par la maison d’édition JC Lattès.