[Présenté Hors Compétition au Festival de Cannes 2016] 

Le journaliste cannois, toujours soucieux de se détendre entre deux films un peu prise de tête d’obscurs réalisateurs étrangers, se laisse bien trop souvent porter par la programmation. Et c’est exactement comme cela que l’on atterrit devant une excellente projection, celle de Train to Busan, un film de zombies réalisé par le coréen Sang-Ho Yeon et présenté hors compétition au Festival de Cannes. Attendez… Des zombies ? À Cannes ? 

Un père divorcé et sa fille embarquent dans le KTX -un TGV-bis produit par la France, c’est assez beau pour qu’on le souligne- afin de rallier Séoul à Busan, où habite la mère de la jeune fille. Lors de l’embarquement des protagonistes, une épidémie éclate, et une personne infectée a le temps de monter dans le train. Un double course à la montre s’enclenche donc, pour survivre à l’intérieur du train, et pour rejoindre Busan, où l’armée aurait implanté une safezone.

Après Des Zombies dans l’Avion de Scott Thomas -qui, soit dit en passant, ne volait pas très haut-, nous continuons notre petit tour des transports en commun avec Train to Busan, dont l’intrigue se déroule non pas dans un bateau mouche -à notre grand désespoir-, mais bel et bien dans un train. Nous suivons donc les déambulations d’un père de famille, de sa fille, d’une équipe de baseball, d’un chef d’entreprise, d’un colosse castagneur, de sa femme enceinte et d’une multitude de personnages à la durée de vie malheureusement limitée par le fléau. Un nombre assez impressionnant de personnages, qui, fait étonnant pour un film de ce type, se révèlent être assez approfondis et intéressants. Un microcosme donc, une mini-société, qui nous le verrons s’avèrera être l’élément clé de toute la « pensée » politique et sociale de ce long-métrage. Car oui nous sommes à Cannes.

Tout ce beau monde se retrouve coincé entre le wagon bar et la voiture de tête, tentant d’échapper à une horde de personnes un peu perdues, déambulant dans les wagons. Etant donné le contexte actuel, et pour ne pas provoquer d’amalgames, je tiens à clarifier la chose : je ne parle bien sûr pas de grévistes affiliés CGT, mais bien de vrais zombies (avec peut-être des cégétistes coréens dans le lot, qui sait). Il semblerait que depuis le très bon World War Z, les zombies aient la fâcheuse de courir, au lieu de marcher. Un manque de chance pour certains protagonistes peu sportifs (« Règle 1 : la cardio », nous martelait Jesse Eisenberg dans Bienvenue à Zombieland), mais une véritable aubaine pour le spectateur lambda qui en a un peu marre de voir des personnages partir dans une forêt pour fuir deux zombies en déambulateur.

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Bien réaliser un film qui a pour -presque- unique décor les couloirs exigus d’un train démontre, en soi, un certain talent. La gestion de l’espace scénique, il faut le dire, était la principale contrainte de ce type de décors. La maestria de la mise en scène tient au fait que le réalisateur arrive constamment à tenir en haleine le spectateur, en s’aidant de ce qui fait la force du film : le train. Et pour cause : portes coulissantes, toilettes exigus, tunnels et portes bagages sont autant d’astuces qui permettent aux protagonistes de faire progresser la narration en s’appropriant l’espace.

Et vu qu’un film n’est jamais sélectionné à Cannes par hasard, Train to Busan se trouve posséder une forte connotation politique et sociale, comme Romero aurait pu le faire à son époque. Le jeune père de famille est un trader peu scrupuleux, jouant avec les « petits parieurs » tel un marionnettiste, n’ayant pas peur d’en sacrifier afin de garder le contrôle des marchés. Et c’est d’ailleurs la course au profit et la spéculation qui vont permettre au virus de s’échapper de laboratoires médicaux. Le microcosme, que nous abordions tout à l’heure, est une partie très interessante de la narration, car il permet d’envisager plusieurs pans de la société au milieu d’une crise majeure. Bien que parfois stéréotypés, les personnages retranscrivent une volonté parfois inhérente à la classe sociale qu’ils représentent. Lorsque les adolescents prônent la solidarité, le chef d’entreprise s’impose en tant que leader et amène à la mort des personnages pour sauver sa propre vie. Autre thème intéressant : celui du train, un objet possédant une forte vélocité, mais surtout étant prisonnier de ses rails et de ses aiguillages. Etant donné qu’il n’y a aucune possibilité de rebrousser chemin, ni de sortir du train, les personnages n’ont d’autre choix que de foncer droit devant, quitte à révéler leurs personnalités.

Train to Busan sortira le 20 Juillet en Corée du Sud et le 17 août en France.

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