D’autres vies que la mienne est un livre plein de société, de petites fêlures intimes et de grandes catastrophes naturelles. Un livre plein d’humanité, un livre plein d’espoir.
Avec trois histoires en une, qui pourraient se suffire à elles seules mais préfèrent se mettre en perspective, s’enrichir l’une l’autre. La première comme un prologue, une histoire à bout de souffle, un cri, une vague immersive. La seconde comme une discussion, longue, ample, un écho à la maladie qui s’éternise. La troisième enfin en trame de fond, celle de l’auteur.
Ici, le narrateur est bien plus que celui qui raconte : en lui passent les histoires des autres. Il en est l’intermédiaire, le dépositaire avant de les donner à lire. Elles le changent, donc, à leur façon, comme tout ce qui nous traverse est capable de le faire.
Car ce livre n’est pas une fiction ; il est le relais d’un témoignage sur la perte, le décès d’une personne aimée. Et si le sujet est délicat, il est abordé avec l’humilité qui fait la juste distance entre le recul et l’engagement.
Il en résulte un livre essentiel, bouleversant, qui touche à l’intimité, à l’essence de l’être dans son désir de vie. Sans voyeurisme. On ne ressent ni pathos ni complaisance à découvrir le quotidien de ceux qui sont partis, celui de ceux qui restent. Il n’y a que la beauté des personnes dont on nous parle, dans leur lutte, leur effort pour avancer malgré tout.
Tout est là : le cancer, la catastrophe, le droit et l’injustice, la société, la famille, l’amour, et plus encore que tout cela car il y a ce qu’il y a sous les mots quand ils résonnent entre eux, se lient, se nouent et deviennent autre chose qu’eux mêmes. Page après page, ce roman nous raconte combien la perte est en fait un enracinement. Et Emmanuel Carrère de nous livrer une formidable déclaration d’amour à la vie.