Dans l’univers des jeux de société, le dungeon crawling est tellement populaire qu’il en est devenu un genre à lui tout seul. Avec Dungeonology, l’équipe de Don’t Panic Games (Ludus Magnus Studio pour la version originale) nous en propose un d’un nouveau genre. Exit l’épée pourfendeuse de monstres au profit du stylo-plume pourfendeur d’ignorance et exit le bouclier ensanglanté au profit d’un calepin tout tâché. Vous l’avez compris, ici, on n’écharpe pas les monstres, on les étudie !
Existe-t-il un endroit plus sombre, plus poussiéreux et sentant plus le renfermé qu’un donjon fétide et oublié ? Ah oui, la bibliothèque d’une non moins fétide et oubliée université ! Et il faut croire que vous aimez ça les endroits sombres et poussiéreux car quand vous n’explorez pas les recoins d’un donjon, vous arpentez justement les rayonnages d’une bibliothèque. Il faut dire que vous êtes à un tournant de votre vie d’académicien. Le professeur titulaire de la chaire de donjonologie s’est récemment fait dévorer par un troll qui refusait de répondre à ses questions (il n’aurait pas dû insister le bougre) et le doyen s’apprête à étudier les candidatures pour le poste vacant. La qualité de votre thèse pourrait bien être un facteur déterminant…
Faire couler de l’encre plutôt que faire couler du sang…
Dans Dungeonology, les joueurs vont incarner des doctorants en donjonologie, l’étude des donjons et des étranges créatures qui les peuplent. Avec l’aide de dociles étudiants (qu’ils pourront sacrifier si le besoin s’en fait sentir), ils vont explorer les recoins d’un lugubre donjon et rivaliser de discrétion pour tenter de récolter les informations utiles sur les créatures qui y ont trouvé refuge.
En effet, le but du jeu sera de glaner un maximum d’informations (comprenez de petits cubes colorés) afin de pouvoir soumettre sa thèse. Essentiellement, il s’agira de se renseigner sur l’organisation sociale de la civilisation étudiée, sur ses capacités militaires, sur ses croyances, sur ses trésors et sur son système hiérarchique. Mais évidemment, un donjon ne serait pas un donjon si les créatures étudiées étaient consentantes, si les lieux n’étaient pas truffés de pièges et de passages secrets, si un boss ne manquait pas de se réveiller à tout moment et si vos co-doctorants ne cherchaient pas à vous mettre des bâtons dans les roues.
Plagiats, coups bas et fraternité douteuse, … Bienvenue à l’université !
Dungeonology est un jeu très riche et aux multiples facettes. C’est évidemment ce qui fait sa force mais c’est aussi un peu sa faiblesse. Par-là, nous voulons dire que le jeu est très fouillé, très détaillé et qu’il a été travaillé avec minutie. Parfois, et surtout lors de vos premières parties, cela peut être un peu déroutant. On hésite entre les nombreux symboles présents et on avance à tâtons dans la partie sans être parfaitement certain de bien appliquer toutes les règles. A titre d’exemple, chaque carte peut être utilisée de trois façons différentes. Bien sûr, cela rend le jeu plus astucieux et offre des possibilités stratégiques multiples aux joueurs mais lors de la prise en main, une petite confusion risque de s’installer sur comment (bien) les jouer…
Cela dit, ce léger bémol s’atténue très vite dès lors que les parties s’enchainent et s’y arrêter serait manquer tout ce que Dungeonology a de formidable à offrir. Car oui, le jeu est pétri de qualités ! Déjà, il prend place dans un univers soigné et particulièrement original. Nous avons beaucoup apprécié le petit cassage des codes habituels des dungeon crawlers et faire incarner aux joueurs des doctorants intelligents, fourbes mais très peu combattifs était pour nous une vraie bonne idée. Ensuite, le jeu fait intervenir une multitude d’éléments qui enrichissent la partie. Il y a les différentes salles qui vont déclencher des effets, l’aspect furieux de votre personnage qui lui confère un pouvoir spécial s’il n’est pas en tête de la course au savoir mais aussi ces sacripants d’étudiants de la fraternité Oméga qui en plus de faire fuir les autres assistants pourraient bien vous coller la poisse. Et ça, sans oublier un petit twist bien sympathique qui est que les joueurs ne connaissent pas le type de créatures qu’ils doivent étudier (et donc les modificateurs de score qui seront appliqués ou le nombre exact de points de connaissance qui seront requis pour que la thèse soit recevable).
Et enfin, pour un jeu que l’on classera aisément dans la catégorie Expert, il est particulièrement interactif. Espionnage, usage abusif de sa notoriété, guerre de cartes pour augmenter le coût de l’étude réalisée par un concurrent, … Le monde académique si policé ne serait-il finalement qu’un repaire de traîtres et de scélérats ?
En conclusion
En dépit de règles qu’il faudra prendre le temps de bien digérer, Dungeonology mérite clairement le détour. Tout en revisitant les codes un peu éculés du dungeon crawling classique, il offre des parties disputées, riches en rebondissements et toujours saupoudrées de l’un ou l’autre coups bas particulièrement vicieux. Pour ne rien gâcher, son matériel comme ses illustrations flattent l’œil et rendent le jeu encore plus immersif.
Dungeonology : l’expédition, un jeu de Diego Fonseca & Danilo Guidi, illustré par Diego Fonseca, Giovanni Pirrotta et Simone de Paolis, édité par Ludus Magnus Studio pour la version originale et par Don’t Panic Games pour la version française.
Nombre de joueurs : 2 à 4
Âge : dès 14 ans
Durée moyenne d’une partie : 90 à 120 minutes