Jean-Claude Guilbert récidive, et revient sur son livre Ils ont tué tous les héros (1978). Ce livre qui, comme il le dit lui-même, a été « perdu et retrouvé sur nos propres traces », relit et annote sa pensée d’alors. Revenir sur le texte et ne pas laisser s’échapper l’œuvre, voilà un désir bien compréhensible, et qui agite beaucoup d’artistes, comme ce peintre fameux, qui, selon la légende, allait jusque dans les musées corriger ses œuvres qui y étaient exposées. L’intérêt principal du livre réside en fait, semble-t’il, dans ce geste de correction. En effet, comment finir un livre où l’on veut tout mettre ? Comment écrire le point final à ce que voit du monde un regard encore vif ?
Bavard et sur le ton de la conversation, l’auteur saute du coq à l’âne et nous livre bribes, bruits et fragments, débris du monde. Il s’agit des pensées romancées dans le livre gigantesque d’un collectionneur, qui se plait à raconter très bien sa vie (le chapitre sur le « Salut du caporal » est un beau morceau), un peu moins bien celle des autres, l’engagement, la désillusion. Affamé, le texte se délecte de centaines de références, et l’auteur compile les bons mots dans des styles très différents. Cependant, l’auteur résiste mal aux clichés, et s’égare un peu dans des phrases maladroites, peu travaillées, s’oubliant dans un one-man-show à deux publics –celui de 1978 et celui de 2015 – jusqu’à parfois rendre son texte franchement désagréable à lire. Peut-être qu’aujourd’hui, c’est l’auteur qui est le héros tué. Alors, malgré la volonté louable d’actualisation, difficile de voir en ce texte quelque chose de toujours moderne et efficace.