michelis-chance-que-tu-asQuel livre étrange… Tout commence normalement, et pourtant très vite on sent que quelque chose cloche. Même si cela ne se précise pas tout de suite, il y a déjà, sous-jacent, la promesse inquiétante du dérapage. L’histoire est simple, on suit le personnage principal qui, après avoir trouvé du travail en tant que serveur dans un restaurant, va faire ses premières armes au « domaine », lieu hors du monde, où les saisons sont floues et où les chats pleurent. Roman initiatique, qui nous projette petit à petit dans un univers surréaliste, où les contraintes du monde du travail sont poussées à l’extrême, où la soumission est totale, et dans lequel le personnage principal va perdre sa volonté (déjà bien mince au départ), mais aussi son essence. Tout est à la fois anormal et pourtant crédible, comme un film de David Lynch limpide mais toujours déroutant. Malsain.

Tout tient dans le titre, ce titre qui explique à lui seul cette chute vertigineuse dans l’abandon de soi au profit de la tâche : « La chance que tu as ». Cette chance, c’est celle d’avoir un travail et d’être logé, nourri, blanchi. C’est ce qui excuse tout, absolument, totalement tout. Elle se révèle dans le discours de tout un chacun, celui des parents, des collègues, celui même des clients du restaurant.

Tout est malaise : ne pas vouloir entendre, faire taire celui qui remet en cause ou cherche juste à savoir pourquoi. Et surtout, l’acceptation de l’impensable : le déni est partout, dans l’humour comme dans l’aveuglement volontaire.

Le mal-être, bien qu’omniprésent, est accepté lorsqu’il est tu et rejeté lorsqu’il s’exprime.

L’homme se dégrade, en s’avilissant il perd son identité, jusqu’à celle d’être humain. Il ne la regagnera jamais, même dans la liberté retrouvée.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.