Beren et Luthien est l’un des mythes fondateurs de l’univers autour de la Terre du Milieu créé par John Ronald Reuel Tolkien. Différentes versions ont été publiées, notamment durant la mise en forme des volumes qui ont constitué l’Histoire de la Terre du Milieu, mais la version la plus aboutie à ce jour était celle du Silmarillion. Aujourd’hui, cette « nouvelle » publication se propose d’axer la narration sur cette seule histoire, voyons le résultat.
Dans la lignée des Enfants de Hurin
La sortie de cette édition française de Beren et Luthien est importante à plus d’un titre même si elle n’est assurément pas celle qui aura le plus d’impact dans l’histoire des publications autour des écrits de Tolkien. En fait, il s’agit avant tout de passages tirés des différentes versions de l’histoire de Beren et Luthien qui ont été regroupés afin de constituer une trame cohérente et qui prend la forme d’un roman qui a un début et une fin.
La préface de Christopher Tolkien – le fils de J.R.R. Tolkien – le spécifie d’ailleurs très vite : il n’y a pas d’écrit inédit dans cet ouvrage. Il faut dire que la série de livres Histoire de la Terre du Milieu avait été riche de ce point de vue en nous proposant les évolutions de multiples points du récit du Silmarillion. Ceci étant, lire ces ouvrages ou même le Silmarillion dans sa version définitive peut parfois relever du parcours du combattant pour le lecteur novice. A ce titre, proposer une forme plus adaptée de cette histoire est aussi intéressant que ce qui a été fait pour la trame contenue dans Les Enfants de Hurin.
La seule chose que l’on peut reprocher à Christopher Tolkien, c’est de perdre un peu le lecteur en début d’ouvrage, avec une préface relativement dense et des informations générales sur le contexte qui ne se justifiaient pas forcément, sachant que le déroulement pourrait se suivre correctement sans. Il aurait presque fallu proposer ces informations en fin d’ouvrage, à la manière des appendices du Retour du Roi.
Un ouvrage symbolique
Beren et Luthien est un mythe fondateur de l’univers lié à la Terre du Milieu et il a une portée incroyablement élevée. Il fait partie d’un triptyque d’histoires importantes du Premier Âge qui avaient vocation à devenir des histoires à part entière – avec Les Enfants de Hurin et La Chute de Gondolin – tout en gardant une saveur particulière. Il est, par exemple, très important pour l’histoire ultérieure entre Aragorn et Arwen, qui sont dans le même cas que les protagonistes principaux de l’histoire. La figure de ces deux personnages se retrouve également dans la poésie qui rythme l’œuvre de Tolkien, marquant son importance culturelle dans la Terre du Milieu et, surtout, il s’agit de l’une des histoires que l’auteur a mûri dans son esprit le plus tôt dans son processus créatif.
Enfin, la symbolique de cet ouvrage est forte car il marque une volonté de Christopher Tolkien de rendre hommage à ses parents. En effet, J.R.R. Tolkien assimilait ce couple mythique à son propre mariage avec Edith. Sur leurs tombes respectives, il fit mettre les mentions « Beren » et « Luthien ». Christopher Tolkien a signifié que cet ouvrage serait le dernier qu’il éditerait à titre personnel et il s’agit là d’un joli clin d’œil avant de tirer sa révérence.
Au niveau de l’édition, rien à signaler : Bourgois a respecté le travail de l’original et a inclus les mêmes illustrations d’Alan Lee que l’édition britannique – qui sont magnifiques. Belle qualité de matériaux, encore une fois. En clair, rien qui gâche notre plaisir à la lecture. Un grand merci à la maison Bourgois et si on devait leur passer un seul message ce serait … réimprimez les volumes manquants de l’Histoire de la Terre du Milieu, s’il vous plait !