Une claque. Voici comment résumer en deux mots ce petit chef d’oeuvre livré par Russell Banks, un auteur que j’ai découvert à travers Lointain souvenir de la peau. Critique.
A Calusa, ville imaginaire de Floride, il y a un viaduc. Sous ce viaduc, tous les condamnés sexuels vivent, livrés à eux-mêmes. C’est le seul endroit assez éloignés des écoles et autres parcs où ils peuvent vivre. C’est ainsi que nous rencontrons Le Kid, jeune délinquant sexuel, condamné à porter un bracelet électronique pour 10 ans. Néanmoins, tous ne sont pas des criminels. C’est ainsi que nous découvrons que Le Kid a été un laissé-pour-compte toute sa vie : père absent, rejeté de l’armée, prostitution de sa mère. Son seul compagnon est Iggy, un iguane. A l’heure de la pornographie de masse sur Internet, certains ne sont que des victimes du système. Puis apparaît Le Professeur, un enseignant en université, aussi massif qu’intelligent. Il va s’intéresser au cas du Kid et des autres délaissés vivant sous le viaduc. Peu à peu, un lien ambigu va se tisser entre les personnages. Et, au fil des pages, nous découvrirons que chacun traîne sa part d’ombre, sa honte et ses mystères.
Bien plus qu’un roman, ce livre est une analyse sur la société américaine actuelle, son évolution depuis la prise prépondérante des réseaux sociaux et d’Internet dans notre quotidien, de la condition des marginaux dans ce pays. C’est pourquoi Le Kid est un personnage très attachant : il a cédé à la tentation sur Internet, accédant à des tchats douteux, accro à la pornographie en libre accès. Un peu à la manière d’Eve, il a croqué dans la pomme et s’est fait piéger par Le Serpent (ici, Internet). Au contact du Professeur et à l’aide de ce bracelet métallique froid à sa cheville, il comprendra son erreur. Il ne lui restera plus que l’amertume de ses choix et ses regrets. Néanmoins, nous n’entendrons pas la plainte du Kid sur son propre sort. En effet, il est plutôt obnubilé pour s’en sortir, livré à lui-même. Seul le Professeur s’intéresse à eux pour les aider.
Il faut leur redonner la responsabilité de quelque chose. D’un truc où ils ne vont pas échouer. Comme ça, ils auront assez de confiance en eux pour ne pas redouter d’être rejetés…
Outre un roman profond s’intéressant à une société, c’est également un excellent moment de détente. Russell Banks a un style d’écriture très fluide, les pages défilent sans même que l’on s’en rende compte. Des moments cocasses, des personnages complexes, les aléas de la vie : en tous points, ce roman est une petite merveille. Une belle découverte.