En ces derniers jours avant l’apocalypse, Arthur Leander, ancienne star de cinéma, incarne le Roi Lear dans un petit théâtre de Toronto et meurt sur scène d’une crise cardiaque foudroyante.
Une mort qui passe inaperçue, puisque bientôt une pandémie mondiale de grippe se répand et ne laisse que quelques poignées de survivants dispersés sur la planète. Le monde connu a disparu, dépeuplé, plus d’électricité, d’eau courante, d’internet, de pétrole, d’argent, de nourriture.
L’humanité est revenue à la préhistoire, les souvenirs et la nostalgie de l’ancien monde en prime.
Dans cette nouvelle ère, les survivants se rassemblent en petites communautés, apprennent à chasser pour se nourrir, à tuer pour ne pas l’être. Parce que si beaucoup de choses ont disparu, le Mal et la soif de pouvoir subsistent, incarnés par des brigands de grand chemin ou des prophètes de malheur qui rêvent d’emprise sur les biens matériels mais surtout sur les âmes, et les corps des femmes.
Dans ce nouveau monde étriqué, on suit, vingt ans après l’effondrement, la Symphonie Itinérante, à la fois orchestre et troupe de théâtre, qui se déplace d’une communauté à l’autre dans la région des Grands Lacs pour y jouer Shakespeare et Beethoven. Parce que l’art, vestige de l’ancien temps, a lui aussi survécu, et qu’il faut le préserver, comme les souvenirs, dans l’espoir qu’un jour l’humanité se relèvera.
Station Eleven est un roman à la narration éclatée, passant d’une époque à l’autre, d’un personnage à l’autre, et assemblant peu à peu les pièces du puzzle.
Quelques-uns de ces personnages en sont le fil rouge, Arthur Leander, l’acteur mort sur scène, Kirsten, une jeune comédienne orpheline recueillie par la Symphonie Itinérante, et Miranda, la première épouse d’Arthur et l’auteure d’un roman graphique visionnaire et mystérieux, intitulé Station Eleven.
J’ai beaucoup aimé cette histoire, ses personnages attachants, sa construction parfaitement
maîtrisée, son écriture douce et apaisée malgré les drames qui se succèdent, sa mélancolie, sa foi en l’art, la pureté de certains moments.
Des moments poignants, remuants mais sans pathos, quelques scènes ou images puissantes (la décision de Frank, l’avion confiné en bout de piste avec passagers et équipage à bord…), voilà ce qui m’a marquée. Tout ça, et la nécessité de l’art, parce que « survivre ne suffit pas ».
Et puisque malheureusement rien dans cette histoire n’est impossible : carpe diem.