Quelques paroles philosophiques, des moments hors du temps et, surtout, beaucoup d’affection : telles sont les maximes du nouveau long-métrage d’Alex Lutz.
Perdus dans l’ombrage nocturne
Le film, très sobrement intitulé Une nuit, marque par ses arrières-plans flous qui détachent complètement les corps du fond. Ils ne sont que deux, du moins psychologiquement. La caméra oublie toutes les personnes autour ainsi que les rues parisiennes. Les protagonistes flottent dans l’espace, happés par l’intérêt qu’ils se portent mutuellement.
L’obscurité les rend invisibles : tout est permis dans la nuit, car elle camoufle les êtres humains et leurs actions. Le spectateur apprend à connaître les deux protagonistes par les anecdotes qu’ils dévoilent tout au long du film. Ce ne sont pourtant que des paroles : il n’ya aucune trace physique de leur famille respective. Pour le spectateur, il n’y a qu’Amaury et Nathalie qui existent.
Une histoire réflexive
Une nuit s’inscrit pleinement dans une démarche poétique et philosophique. Le film n’est pas une traduction de la réalité : il la prolonge. L’histoire commence par des plans furtifs en caméra épaule sur des passants qui traversent le métro. Les visages sont neutres, voire usés et fatigués. Il y a ensuite deux personnes qui se disputent dans une trame de métro. Puis arrive l’enchantement : le réel s’annihile pour laisser place à l’onirisme d’une romance.
Ce qui rapproche les deux personnages, au-delà de l’aspect physique, c’est leur connivence intellectuelle. Ils confrontent leurs idées, se retrouvent sur certains points existentiels, se déstabilisent mutuellement. D’ailleurs, on a l’impression que les dialogues sont improvisés tant ils paraissent naturels, jonchés de bredouillements et d’incertitudes !
La nuit et l’amour
Le couple est-il une affaire d’amour ou d’engagement ? La première discussion entre Aymeric et Nathalie prend pour sujet l’attirance. Aymeric affirme que Nathalie n’est pas son type originel mais qu’elle lui plaît quand même. Cette dernière tire le fil de la discussion pour le forcer à poser des mots sur ses sentiments. Il parle alors d’alchimie, de disponibilité, et ces mots qualifient peu à peu la vision qu’il se fait de l’amour. Ils grandissent alors en une seule nuit.
Le film associent en permanence les mots et les sentiments. Les protagonistes sont presque des psychologues l’un pour l’autre : ils trouvent chacun la force en l’autre pour s’exprimer pleinement. La force libératrice de la nuit (et l’amour) leur permet d’être authentiques, dénoués de tous les codes sociaux quotidiens. Avec Une nuit, Alex Lutz réalise une fable fantasmée par la vision qu’il se fait d’une romance.