Ancien lieutenant à la PJ du 93, Olivier Norek est devenu, depuis son premier ouvrage Code 93 en 2013, un auteur de poids dans le monde du polar. Fort de son passé, l’écrivain fait preuve d’une plume emplie de sincérité, à la fois dure mais réaliste. Dur mais réaliste, c’est ainsi que l’on pourrait également qualifié Entre deux mondes, publié en 2017. Un uppercut littéraire, un récit d’une violence inouïe mais profondément humain.
Dans la Jungle, personne ne vous entendra crier
Adam, flic syrien, doit fuir un régime sanguinaire et un pays en guerre. Dans un premier temps, il décide d’envoyer sa femme Nora et sa femme Maya à six mille kilomètres de là, dans la Jungle de Calais, parmi les migrants. Il les rejoindra bientôt, puis, ensemble, ils tenteront la traversée de la Manche jusqu’en Angleterre pour débuter une nouvelle vie.
Mais arrivé là-bas, il ne les trouve pas. Ce qu’il découvre en revanche, c’est un entre deux mondes. Un endroit où les migrants sont bloqués entre deux vies, dans un univers sans loi, où la police n’ose mettre les pieds. C’est dans cette zone de non-droit que des crimes vont débuter. Suivant son instinct de flic, Adam ne peut s’empêcher d’intervenir faisant par la même occasion la rencontre d’un jeune orphelin dont il se fera le protecteur, au risque d’y perdre la vie. Cette enquête, ce lien avec l’enfant, vont lui permettre de ne pas devenir fou à l’idée de ne pas savoir où sont sa femme et sa fille.
En parallèle, nous suivons un second protagoniste, Bastien, un jeune policier français. Par ses yeux, Olivier Norek nous fait découvrir la triste et dure réalité de la Jungle de Calais. Le jeune flic y fera la rencontre d’Adam, une rencontre qui changera sa vision des choses, au risque de mettre sa propre vie en danger.
Il est des romans que l’on referme le coeur en peine, soufflés par la force du récit, sans voix, confus. Entre deux mondes en fait partie. Il nous donne à voir la réalité de la Jungle, ce lieu qui existe sans exister (démantelée en 2016), et nous rappelle que l’on parle de millier d’hommes et de femmes, d’enfants, pour beaucoup poussés à fuir leur pays en guerre avec pour seul espoir de réussir un jour à traverser la manche en toute illégalité. Et alors que cet espoir s’amenuise de jour en jour, il devient alors difficile de ne pas perdre la tête.
Faisant fi de tout cloisonnement, Norek nous délivre la vérité crue, dans toute sa crasse, sa noirceur, allant au-delà des conflits politiques, des jugements hâtifs, pour nous rappeler que cette Jungle est habitée par des êtres humains, emplis d’angoisses, de peurs. Le récit est puissant, plein d’empathie, percutant, ne tombant jamais dans le manichéisme. Il nous rappelle la beauté de l’Homme tout comme ce qu’il a de plus abjecte. La plume de Norek est simple, sans fioritures, directe. Passant du rythme haletant du thriller noir à des moments plus doux, où l’espoir renaît. La force de ce roman est de scotcher le lecteur, de le faire passer par toutes les émotions ; le rire, la peur, la tristesse, la colère. Il nous fait tout simplement vivr et ressentir. Au-delà du lecteur, c’est au citoyen qu’il s’adresse. Un uppercut en pleine face !
Entre deux mondes se joue du lecteur, sous ses airs de polar, pour délivrer un récit quasiment sociétal. Avec une plume percutante, Olivier Norek nous touche en plein coeur, faisant passer le lecteur du rire aux larmes, de l’espoir à la révolte. Un ouvrage profondément humain, réaliste, au point de vue original. Une claque !