Après la claque Entre deux mondes, Olivier Norek est revenu en 2019 avec un nouveau one-shot, Surface (disponible depuis cette année en poche). Et comme dans son précédent ouvrage, ce nouveau cru est une fois encore empli d’un réalisme, d’un humanisme et d’une sincérité qui donnent à l’auteur un statut à part dans l’univers du polar. Un vent de fraîcheur qui fait vraiment du bien dans un genre littéraire saturé.
Les fantômes du passé
Noémie Chastain est capitaine à la PJ Parisienne, lors d’une intervention de groupe pour appréhender un dealer, elle se retrouve blessée d’un coup de feu en pleine tête. Après de multiples opérations, sa vie est sauvée même si une partie de son visage gardera de lourds stigmates de l’accident. Toujours vivante mais à moitié défigurée, marquée autant physiquement que psychologiquement, la jeune femme va devoir réapprendre à vivre avec ce nouveau visage. Mais alors que son visage meurtri est désormais le triste témoignage des risques du métier, sa hiérarchie décide de l’écarter en la parachutant dans le commissariat d’un village de l’Aveyron, Avalone, afin d’en envisager l’éventuelle fermeture.
Noémie n’est pas dupe et comprend bien les raisons qui se cachent sous ce prétexte. Dans ces conditions, comment réussir à se reconstruire ? Devenue une paria pour les autres comme pour elle-même, loin de tout dans un trou paumé, le chemin de la reconstruction identitaire semble bien mal engagé. C’est alors que soudain, le squelette d’un enfant disparu vingt-cinq ans plus tôt, enfermé dans un fût, remonte à la surface du lac d’Avalone, au fond duquel dort une ville engloutie et que tout le monde semble avoir voulu oublier… Commence alors pour Noémie une enquête tortueuse, difficile, et dangereuse, car il n’est pas toujours bon de réveiller les fantômes du passé…
Un polar rural
Le titre, Surface, est ingénieusement trouvé. A la surface, un corps, synonyme d’une cold case provinciale passionnante qui va rouvrir les plaies du passé. La surface, c’est également notre apparence, ce que l’on donne à voir aux autres. Noémie, en surface, est une jeune femme blessée, défigurée, incapable de s’accepter elle-même, et qui cache ses failles sous un caractère bien trempé.
L’intrigue policière est magistrale, d’un réalisme profond. Rien d’étonnant, Olivier Norek est un ancien lieutenant de la PJ, et aime mêler son passé de flic à son imagination. Chaque étape de l’enquête transpire la vérité, la réalité du terrain, tout sonne juste. Un passage du roman est d’ailleurs assez bluffant, mettant en scène la Fluviale de Paris dans des scènes de plongées criantes de réalisme. On ressent tout, presque en apnée comme les personnages. Aussi, le travail d’enquête n’est pas le même entre la ville et la campagne. Noémie va devoir apprendre à faire face à l’humain, à aller au plus proche des habitants pour démêler les fils de l’enquête. Et puis, autour de cette enquête, l’auteur décrit un environnement rural noir autour de ce village englouti, et des personnages détaillés, attachants, percutants.
Si l’intrigue est maîtrisée à la perfection, ce qui donne du souffle à ce livre, c’est bien son personnage principal : Noémie. Une héroïne forte, pour laquelle le lecteur a rapidement une profonde sympathie. La psychologie du personnage est fouillée et se nourrie de sensations, d’un ressenti juste. Par cette enquête hors du commun qui prend place dans un environnement inconnu, Noémie va se reconstruire, retrouver sa place, renaître, en affrontant l’estime de soi et le regard des autres, en surpassant son stress post-traumatique. Une reconstruction qui passe également par un joli travail d’équipe, une thématique que l’on retrouve souvent chez Norek, et un humanisme qui nous rappelle qu’il faut regarder au-delà de la surface pour juger une personne.
La plume de l’auteur est ciselée, précise, sans fioritures, et nous happe dès les premières pages pour ne jamais nous lâcher. Le roman se dévore alors rapidement, sans temps mort. Toujours au plus près des émotions, faisant preuve d’une empathie réelle pour ses personnages, pour le métier de flic, pour la vie tout simplement, Norek livre un récit bouleversant, prenant, frais.
Surface est un polar qui respire le grand air, au-delà d’une enquête en milieu rural originale, comme un vent de fraîcheur sur l’univers du polar, l’auteur construit une héroïne forte en pleine reconstruction. Une fois encore, ce qui prime chez Olivier Norek c’est l’humain, chaque page transpire alors de sa générosité, de son hyper sensibilité. Un grand roman qui renouvelle le genre, baigné d’humanité, et qui place Olivier Norek dans liste des auteurs français à suivre absolument !