Valérie Donzelli revient avec un film bouleversant, filmant au plus près la nocivité d’un amour trop encombrant.
Des airs de comédie musicale
Deux sœurs jumelles, des franges, des mélodies rêveuses, un air chantonné dans une voiture et des paroles poétiques : les références à Jacques Demy fusionnent. Pourtant, nous sommes très loin du conte de fée. Si les premières années de vie conjugale coulent à merveille, la suite rattrape Blanche qui s’éveille dans un cauchemar.
La présence de la mère, aussi, rappelle fortement les longs-métrages de Jacques Demy : elle épaule ses filles et parle avec espoir et, surtout, lyrisme. La maison du couple, bien plus macabre que dans Les Parapluies de Cherbourg, rappelle à Blanche que sa existence est bel et bien affranchie de sa sœur et de sa mère. Elle doit maintenant vivre avec Grégoire, pour le meilleur mais surtout pour le pire.
Une mise en scène intimiste
Une rupture nette se crée entre la première et la deuxième partie du film. Cette coupure radicale plonge le spectateur dans une torpeur insatiable. Blanche est perpétuellement écrasée par la présence de son mari : il l’appelle sans arrêt, cherche à l’isoler de sa famille et l’empêche même de sortir. En fin de compte, il cherche à avoir un contrôle permanent sur elle : c’est à ce moment-là que tout bascule.
Le spectateur est pleinement investi dans la relation toxique du couple. Il suit avec Blanche la lente descente aux enfers qu’elle traverse à pieds joints. Cette impression se renforce avec les gros plans, les jump cut, la caméra tremblante, ainsi qu’avec les effets de flous et de débordement. A l’image de Blanche, la caméra n’arrive pas non plus à trouver une stabilité et une paix intérieure.
La réalité filmée sous tous ses angles
Le film frappe par son réalisme ; il montre la progression d’une dégradation. La vraie nature de Grégoire se révèle dans sa nature brute et bestiale. Cette nature effraie même son acquéreur lorsqu’il se regarde dans le miroir, et qu’il se rend compte de ce qu’il est en train de faire. Il se remet même en question, mais rechute la seconde d’après.
Son objectif intrinsèque est de faire culpabiliser sa femme pour qu’elle se questionne elle-même et qu’il garde le contrôle (comme si c’était elle, le problème). Il désire qu’elle le voie comme l’homme parfait, qui l’aime d’un amour infini ; il veut qu’elle le croit digne de son amour. Mais c’est le contraire qui arrive. Dans ce film, pas de romantisme de la violence comme on peut parfois le voir ; la peur, l’oppression et l’étouffement sont les seules vérités que vivent Blanche.
L’amour et les forêts est donc à film à voir et apparaît même comme un film d’utilité publique. Avec des plans intimistes et des acteurs talentueux, Valérie Donzelli réussit à retranscrire avec clairvoyance la réalité de milliers de femmes autour de monde.