Après avoir imaginé Le jour où Kennedy n’est pas mort, R.J. Ellory enfile sa tenue de Monsieur Loyal pour nous proposer une plongée dans son Carnaval des ombres. Sous son chapiteau de 600 pages, l’auteur fait une fois encore preuve de son talent de magicien. Et de magie, il en sera question mais pas seulement… Le Carnaval des ombres est à la fois un envoutant roman noir et sociétal, hypnotisant, surprenant, dont l’intrigue prend place en 1958 dans une Amérique rurale. Surtout, il s’agit d’une œuvre faisant la part belle aux émotions et à l’ambiance.

Et si nous prenions la route, direction Seneca Falls au fin fond du Kansas ? Il parait qu’un cirque ambulant, avec son lot de freaks, d’attractions et de bizarreries, vient d’y planter son chapiteau ; déployant un spectacle fait d’enchantements et d’illusions. C’est alléchant n’est-ce pas ? Ah ! J’ai oublié de vous dire, l’atmosphère risque d’être quelque peu troublée car le corps d’un inconnu vient d’être découvert gisant sous le carrousel. L’ambiance n’en sera que plus… étrange ! Alors en piste !

Au-delà du carnaval des ombres, le carnaval du temps

Nous sommes donc à la fin des années 50 au Kansas, dans une petite ville (trop) tranquille. L’agent spécial Michael Travis, promu Senior, est dépêché seul sur place pour déterminer les circonstances de la mort de cet inconnu et découvrir son identité. Une véritable énigme qui va remettre en question ses talents d’enquêteur et qui va le heurter à ses propres croyances. Une enquête tortueuse durant laquelle il va faire la rencontre du mystérieux Edgar Doyle et sa troupe de freaks – où le perturbant homme à sept doigts côtoie l’homme squelette – peu enclins à livrer leurs secrets. Sont-ils vraiment mêlés à ce crime ? Connaissaient-ils cet inconnu au corps recouvert d’étranges tatouages ? Entre faux-semblants, paranoïa, manipulation, l’agent Travis va se retrouver bien seul pour démêler les fils de ce crime.

Au-delà de l’aspect enquête, ou plutôt s’imbriquant dedans, c’est toute la vie de Michael Travis que le lecteur va découvrir. Une vie construite sur un drame qui a façonné ses émotions, sa manière de penser et de réagir ; à tel point que le personnage semble cloisonné dans sa psychologie. Rigide, sérieux, impavide. Sans émotion pourrait-on croire, alors que le terme  » passer sous silence les émotions » conviendrait mieux au personnage. Sans imagination, c’est certain. Mais pour trouver la vérité dans ce carnaval des ombres, l’agent Travis va devoir se dévoiler, briser les chaînes de son passé, faire bouger ses paramètres. Une enquête comme un chemin intérieur, une perte de repères pour mieux les retrouver. Si Travis fait partie des meilleurs protagonistes d’Ellory, les autres personnages ne sont pas en reste. L’auteur dresse des profils inattendus, touchants, différents. La différence, un thème majeur dans ce livre.

Bien plus qu’un polar, Le Carnaval des ombres est roman d’ambiance, sociétal ; sombre sans être totalement noir. Comme à son habitude, avec une plume toujours aussi fluide et magnifique, Ellory ne se contente pas d’un genre précis, l’intrigue n’est pas linéaire mais au contraire surprenante. C’est là tout le talent de cet immense écrivain qui s’affranchit des codes pour proposer une œuvre unique, aux émotions palpables, aux sentiments exacerbés. Thriller, polar, amour, résilience, conspiration, magie. Un roman qui mêle les genres pour procurer des sensations qui, longtemps après la lecture, résonneront dans le cœur des lecteurs. Magnétique, magistral, avec Le Carnaval des ombres R.J. Ellory signe encore une œuvre majeure et prouve, s’il en avait encore besoin, qu’il est l’une des plus belles plumes du roman noir !

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