C’est l’une des histoires les plus connues au monde, et l’une des plus obscures. Dallas, 22 novembre 1963. Le cortège présidentiel traverse la ville à petite vitesse, salué par la foule amassée. Une limousine décapotée traverse Dealey Plaza, avec à son bord le président Kennedy et son épouse. Il est bientôt 12h30 lorsque soudain…
Quand soudain, rien : John F. Kennedy ne mourra pas ce jour-là. En revanche, peu après, le photojournaliste Mitch Newman apprend le suicide de son ex-fiancée dans des circonstances inexpliquées. Le souvenir de cet amour chevillé au corps, Mitch tente de comprendre ce qu’il s’est passé, remettant en question l’hypothèse d’un suicide. Découvrant que Jean enquêtait sur la famille Kennedy, il s’aventure peu à peu dans un monde aussi dangereux que complexe : le cœur sombre de la politique américaine.
Pour débuter son enquête, il se rend là où celle de Jean a commencé : à Dallas. Que s’est-il passé à Dallas en novembre 1963 ? Ou plutôt que ne s’est-il pas passé ? Et si ? Et si…
Réécrire l’Histoire
S’il est un fait historique qui a alimenté l’imaginaire collectif, c’est bien l’assassinat de JFK à Dallas le 22 novembre 1963. Écrivains, journalistes, documentaristes, scénaristes, se sont attaqués au sujet et l’ont retourné dans tous les sens. Il faut dire qu’entre une ascension fulgurante et une fin tragique, tous les éléments du drame sont là. Alors quand le célèbre R.J. Ellory (Seul le silence, Le Chant de l’assassin) a annoncé le titre de son nouveau livre, Le Jour où Kennedy n’est pas mort, il était judicieux de se poser la question : est-il encore possible d’écrire sur le sujet ? A en juger par le titre, la réponse semble pencher vers le oui.
De cet assassinat, de cet imaginaire collectif nourri d’ouvrages, films et autres documentaires, ou de théories du complot, le plus jeune président élu des Etats-Unis d’Amérique est entré au panthéon, effaçant ainsi les déboires de sa vie personnelle et des maux dont il souffrait. Et c’est de la vie chaotique du président, de sa réputation de coureur de jupons, de l’occultation de sa santé fragile, de rumeurs autour d’une supposé fraude à l’élection présidentielle (en lien avec la mafia), que Ellory a construit une intrigue bien réelle en la saupoudrant d’un dernier élément, sorte de cerise sur le gâteau ; et si Kennedy n’était pas mort, que ce serait-il passé ensuite à l’aune d’une nouvelle élection présidentielle ? De ce postulat alternatif, l’auteur tisse une enquête journalistique sous fond de suspicion de meurtre, où son personnage principal, Mitch, va tirer le fil de la pelote de laine pour découvrir une affaire entre sexe et manipulations, mensonges et assassinats, au cœur de la politique américaine. En parallèle de cette enquête, l’auteur s’est attaché à développer la psychologie de son » héros « , personnage tout aussi rongé par l’alcoolisme que par les regrets d’une vie minée par de mauvais choix.
Dans 22/11/63, Stephen King imaginait, avec talent, un personnage capable de revenir dans le passé pour empêcher l’assassinat de JFK. Le livre de R.J. Ellory pourrait presque en être une suite spirituelle, dans le sens où il narre les événements qui auraient pu se dérouler si le président n’avait pas trouvé la mort en 1963. A la fois thriller à l’ancienne sous fond de paranoïa, et polar noir franchement moderne dans sa structure, Le Jour où Kennedy n’est pas mort condense (s’il était encore à prouver) tout le talent d’Ellory. L’auteur embarque le lecteur dans une uchronie historique qui donne à voir la face cachée de Kennedy, accro au sexe et aux médocs, et dresse le portrait d’une politique américaine faite de manipulations, secrets et coups de poker. Car dans l’ombre de JFK, se trouve toute une équipe (le clan Kennedy), persuadée de ses bonnes intentions, mais prête à tout pour rester au pouvoir. De sa plume maîtrisée, Ellory effrite le mythe Kennedy. Glaçant car profondément réaliste.
De la question maintes fois posée – et si Kennedy n’était pas mort, que ce serait-il passé ? – R.J. Ellory en a fait une uchronie qui oscille entre le polar noir et le thriller politico-parano. Avec un tel sujet, un travail de recherche qui se fait ressentir à chaque page, on en viendrait presque à regretter que l’auteur ne soit pas aller encore un peu plus loin dans son intrigue, notamment pour nous faire plonger encore un peu plus dans l’envers du décor de la politique américaine. C’est d’autant plus dommage que certains chapitres sont alourdis par de trop incessants retours sur les regrets du personnage principal alors qu’il y avait tant à creuser à côté. Néanmoins, ce voyage dans l’Amérique des années 60, piloté par Ellory, vaut franchement le coup d’œil.
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