En attendant la sortie du prochain et très attendu Frank Thilliez (qui nous faisait l’honneur de répondre à nos questions il y a quelques jours), nous nous sommes penchés sur une autre nouveauté récente des Editions Fleuve : les Naufragés Hurleurs, de Christian Carayon. L’auteur français nous y entraîne au début du siècle dernier dans un huis-clos suffocant aux allures de tempête maritime.
France, 1925. En rigoureux cartésien, Martial de la Boissière ne croît pas aux sciences occultes et est persuadé que les prétendus médiums ne sont que d’avides charlatans surtout soucieux de délester les braves gens crédules de quelques pièces. Quand l’occasion se présente de confondre Maître Collas, celui qu’il pense être le dernier escroc à la mode, il en profite pour embrigader son ami Alain dans une séance de spiritisme au cœur de Paris mais l’expérience tourne mal. Au milieu de la séance, le médium saisit le bras d’Alain et lui intime de fuir tout en crachant de l’eau salée. Ce qui lui semble alors une mise en scène grossière va néanmoins se révéler une tragique prédiction quand quelques mois plus tard, Martial apprendra le naufrage du voilier d’Alain, pourtant marin aguerri. Bien décidé à lever le voile sur l’étrange accident qui a coûté la vie à son ami, Martial se rend sur l’île de Bréhat, au large de la Bretagne. Il ne se doute pas que son enquête révèlera de lourds secrets que d’aucuns auraient préféré laisser enfouis…
Les Naufragés Hurleurs est ce que l’on pourrait appeler un roman à deux vitesses. Une fois les premières pages parcourues, on a le sentiment que l’auteur nous entraîne dans une histoire convenue, peut-être même cousue de fil blanc. Pourtant, cette impression est ô combien trompeuse et c’est probablement là tout le talent de Christian Carayon. Après avoir mené son lecteur en bateau (c’est le cas de le dire), il l’attire vers une toute autre intrigue, mieux ficelée, beaucoup plus haletante. On y découvre une île presqu’autarcique, peuplée de légendes et de gens simples, travailleurs et honnêtes (pour la plupart en tout cas).
Au fil des pages et des déductions de Martial, Christian Carayon parvient à installer un climat suffocant, une sorte de huis-clos maritime et breton que l’on pourrait croire inspiré des Dix Petits Nègres. La plume est incisive et les mots tombent comme des couperets, ne laissant que peu de temps au lecteur pour reprendre son souffle. Il en résulte un récit enlevé, qui se déroule sous nos yeux à une allure effrénée et dont le lecteur a l’impression de sortir trempé jusqu’aux os, comme s’il venait d’affronter une de ces tempêtes qui rythment la vie des îliens…
Les Naufragés Hurleurs, un roman de Chrisitan Carayon publié aux Editions Fleuve.