Il était une fois un petit royaume heureux nommé Cornucopia où l’on n’y manquait de rien. Le roi Fred Sans Effroi, admiré de tous, portait la plus élégante des moustaches, et le pays était célèbre pour les sucreries délicieuses de Chouxville, sa capitale : Délice-des-Ducs et autres Nacelles-de-Fées. Nul ne pouvait goûter ces gâteaux divins sans pleurer de joie ! Une terre d’abondance, de richesse, avec ses fromages, ses charcuteries et son vin.
Dans ce magnifique, presque magique royaume, il est un lieu, tout au nord, en totale opposition avec les terres fertiles du reste de Cornucopia : les marécages. Un domaine dans lequel rien ne pousse, baigné d’un épais brouillard, où vivent les pauvres marécageux et leurs faméliques moutons. Un beau jour, un berger quitta ses tristes marécages pour venir alerter le roi d’une étrange disparition. Alors qu’il promenait ses moutons près de la forêt qui borde les marécages, son chien aurait été dévoré par un monstre, l’Ickabog, qui hante les contes racontés aux enfants. La légende serait-elle vraie ? Le monstre existe-t-il vraiment ? Ni une, ni deux, le roi Fred se mit alors en selle et traversa le pays à cheval pour prouver l’existence d’un monstre haut comme deux chevaux, des boules étincelantes à la place des yeux, aux longues griffes acérées telles des lames. Une quête qui allait changer à jamais le visage de Cornucopia. Car le monstre n’est pas toujours celui que l’on croit…
Au pays des coups bas
Les Songes-de-Donzelles ne sont pas des sorts mais de délicieuses pâtisseries, il n’y a point de chemin de traverse, ni de château magique à la manière de Poudlard, si J.K. Rowling a en partie écrit ce conte, L’Ickabog, entre deux tomes d’Harry Potter, il n’y a aucun rapport avec la saga du sorcier à lunettes. Pour autant, la plume de la romancière est toujours trempée dans l’encre de la magie des (jeux) mots et trouvailles imaginaires, avec une écriture fluide, colorée et imagée. Dans le plus pur style de nos contes européens, J.K. Rowling narre les aventures de jeunes héros aux caractères affirmés, derniers remparts d’un monde qui court à sa perte (cela ne vous rappelle rien ?). La lecture est fluide, rapide, prenante, presque cinématographique. Le choix de faire intervenir le narrateur, dans certains passages, permet l’impression de se faire »raconter » l’histoire, comme si la romancière était assise, là, juste à côté de nous. Ce qui permet une lecture d’autant plus vivante pour des parents qui feraient le choix de raconter cette histoire à leur progéniture. Une aventure palpitante que petits et grands n’arriveront pas à refermer sans connaître le fin mot de l’histoire.
A la manière de la saga Harry Potter, L’Ickabog, malgré son statut de conte, s’adresse tout autant aux enfants qu’à leurs parents. Les plus jeunes se laisseront porter par une aventure rocambolesque, tandis que les adultes y verront une double lecture dans ce texte. En effet, cette histoire qui se déroule en des temps moyenâgeux est, au final, le reflet de notre époque actuelle. L’Ickabog nous raconte l’accession au pouvoir de Lord Crachinay, conseiller du roi, un homme tyrannique et vaniteux qui cache ses intentions de profits à travers le prisme de la protection du peuple contre une créature imaginaire. Peu à peu le doux royaume de Cornucopia va perdre de sa superbe pour devenir un monde fait de mensonges d’Etat (fake news), de lois capitalistes (enrichir les plus riches, appauvrir les plus pauvres), et de faits de hautes trahisons pour qui s’opposera à la dictature (jamais nommée) en place. De là à voir une métaphore actuelle ? Chacun se fera son avis sur la question. Toujours est-il que la romancière voit dans ce conte des « thèmes intemporels qui pourraient s’appliquer à n’importe quelle époque ou n’importe quel pays ».
En bref, L’Ickabog est un formidable conte qui s’adresse aussi bien aux enfants qu’à leurs parents, merveilleusement raconté par J.K. Rowling. Après s’être égarée dans des romans plus « adultes », la romancière prouve qu’elle n’est jamais aussi douée que dans l’écriture pour la jeunesse. Certains verront en sous-texte des messages politiques, une critique de notre monde actuel, tandis que les plus jeunes se délecteront d’un récit qu’il sera difficile de refermer avant d’en connaître l’issue. On ne peut que vous le conseiller !
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