« Partout, il y a la terreur. Celle d’une jeune femme dans une chambre d’hôtel sordide, ventre loué à prix d’or pour couple en mal d’enfant, et qui s’évapore comme elle était arrivée. Partout, il y a la terreur. Celle d’un corps mutilé qui gît au fond d’une fosse creusée dans la forêt. Partout, il y a la terreur. Celle d’un homme qui connaît le jour et l’heure de sa mort. Et puis il y a une lettre, comme un manifeste, et qui annonce le pire. S’engage alors, pour l’équipe du commandant Sharko, une sinistre course contre la montre. C’était écrit : l’enfer ne fait que commencer ».
Une enquête tentaculaire et terriblement actuelle
Franck Thilliez, auteur incontournable du polar français, plonge à nouveau son duo de flics Sharko et Hennebelle, ainsi que leur équipe, dans une enquête sombre et tortueuse qui déploie ses tentacules au fil des pages. Une nouvelle plongée pour les enquêteurs dans l’horreur, dans ce que l’humain a de plus tordu et sordide. Avec toujours, c’est une force chez Thilliez, un grand travail de recherches scientifiques afin de proposer une critique de la société qui n’a jamais parue aussi actuelle. Dérives des réseaux sociaux, terrorisme, GAFA, Big Data, Dark Web, transhumanisme, PMA ; autant de sujets d’actualité qui parsèment l’enquête de notre équipe de flics. Une intrigue diablement efficace qui souligne les dérives de notre monde, une critique de l’Homme qui tente de plus en plus de jouer à l’apprenti sorcier en allant à l’encontre de la nature quitte à se brûler les ailes tel Icare voulant voler trop près du soleil.
Une course contre la montre
Pour les habitués de l’auteur, on retrouve donc Franck Sharko et Lucie Hennebelle, partenaires dans la vie comme dans le boulot pour cette 9ème enquête aux côtés de leurs collègues de la PJ parisienne qui quittent le célèbre 36, Quai des Orfèvres, pour la rue du Bastion. Un bâtiment ultramoderne, surnommé « le Bastion », qui va mettre à mal les nerfs de Sharko, flic à l’ancienne allergique à la modernité. Comme pour ses autres romans, les personnages se révèlent au cours de l’enquête, leur vie personnelle y est mêlée d’une manière ou d’une autre faisant ressortir leurs failles. C’est également dans les ténèbres que vont se révéler leurs forces, que des liens forts vont se créer laissant alors apercevoir un peu de lumière. En suivant l’équipe de la crim’, on passe par les mêmes émotions que les personnages, on subit l’enquête, on souffre, on rit, on aime. Une belle empathie se dégage encore une fois pour les personnages, c’est là tout le talent de Franck Thilliez et c’est à cela que l’on reconnaît un bon polar.
Cette nouvelle intrigue est une course contre la montre qui baigne dans une ambiance de fin du monde ; l’équipe de la crim’ n’ayant que 24 heures pour tenter de retrouver deux individus enfermés dans des réservoirs d’eau et livrés à la vue des internautes par une caméra. Face à un adversaire redoutable, expert en informatique et ne laissant aucunes traces, les enquêteurs vont devoir redoubler d’efforts et faire face une fois de plus à l’horreur de notre monde. Un roman au rythme soutenu, qui ferre le lecteur dès les premières pages pour ne plus le lâcher avant une conclusion grandiose. Essoufflés, on en ressort subjugué en regardant notre monde d’un autre œil. Les thématiques s’enchaînent sans jamais perdre le lecteur, ni ennuyer, grâce notamment à une plume redoutable d’efficacité et un travail documentaire fabuleux. La force de Thilliez, c’est l’art de mêler le réel à l’imaginaire avec intelligence et dynamisme. De partir de faits scientifiques et sociologiques pour dérouler une enquête tentaculaire faisant l’effet d’un rouleau compresseur. Sans temps morts, les découvertes s’enchaînent et nous plongent à chaque page dans les ténèbres. Le rythme de cette enquête colle parfaitement à notre époque où tout va très vite, appuyant encore plus ses dérives. Mais si le roman va vite, le tout garde une incroyable cohérence, chaque thème étant traité et développé avec une infinie richesse en gardant toujours un lien avec la dramaturgie de l’enquête. En cela, Thilliez est très fort, et prouve qu’il est un auteur d’importance dans le paysage littéraire français. L’écrivain donne toutes ses lettres de noblesse au polar et prouve qu’il ne s’agit pas d’un sous genre, loin de là.
Addictif, rythmé, solidement bâti, abordant de nombreux thèmes avec cohérence, Luca est un polar que l’on ne peut lâcher avant de l’avoir terminé. Une réflexion terriblement lucide de notre monde actuel. Vous ne regardez plus votre smartphone de la même manière… Vivement le prochain !