Le choix de Benoît Philippon de nous présenter la vie de Mamie Luger de façon désopilante aurait pu s’avérer un fiasco total. En effet ,loin d’être une comédie de boulevard, ce roman dramatique va s’appuyer sur l’humour décalé et un style désopilant, pour nous faire rire, certes, mais mettre le doigt sur des sujets extrêmement graves de notre société comme les violences de toutes sortes faites aux femmes, l’auto-défense, car ce livre est profondément féministe, beaucoup plus sérieux qu’il n’y paraît au premier abord.
Raconter de la sorte une telle « vie faite presqu’exclusivement de drame » relève tout simplement du grand art. Mon attention a été accrochée dès les toutes premières lignes et ne s’est relâchée qu’à la fin.
Sans arrêt, le drame et le comique de situation, de langue, un feu d’artifice des réparties dignes, quelqu’un l’a dit avant moi, de San Antonio et d’Audiard. J’ajouterais que, personnellement, Mamie Luger m’a rappelé l’un des personnages des Bodin’s par sa gouaille, son assurance, ses apparentes bonne humeur et joie de vivre. Et pourtant, quelle sensibilité cachée derrière cette inénarrable gouaille, ce culot monstre, ces certitudes que seule une solide expérience de la vie, c’est à dire un âge plus qu’avancé, permet de « balancer sans filtre » comme on dit aujourd’hui.
Ce qui n’aurait jamais pu recevoir un écho favorable avec une héroïne plus jeune, va faire mouche avec Mamie Luger toute acquise à notre cause de par sa personnalité hors norme… et ses 102 ans… C’est mon avis.
Vous me direz mais, avant, il faut lire… ou avoir lu. Et si vous n’avez pas lu, mon conseil sera de vite mettre ce livre dans vos bagages pour les vacances .
Un langage un peu cru, des scènes difficiles prennent une toute autre allure sous la plume de l’auteur, son habileté à « jouer » avec les mots, avec les phrases, fait mouche à chaque fois et nous conduit à une réflexion finalement plus pertinente quant à la gravité des faits.
A force de lire, dans la presse, des faits divers plus dramatiques les uns que les autres, on finit par « s’y habituer » et les banaliser… Alors, c’est vrai, on se marre mais comme Ventura, on finit par éprouver plein de choses positives, de compassion pour Berthe et on souhaite plein de bonheur à Roy et Guillemette. Et que dire de Berthe et Luther ? Ce roman est à lire. C’est un cas, hélas, pas unique. Tenez, un exemple « Mamie », oui, bon, c’est à cause de son âge qu’on l’appelle comme ça… parce que mamie, personne n’a pu le lui dire, elle n’a jamais eu d’enfants donc pas de petits enfants non plus…
Au village, elle n’est pas trop en odeur de sainteté. Seule, toujours seule… Pris de remords, vous envisagez de lui rendre visite ? Belle idée mais… Attention, vous pourriez morfler.
Mamie, non, le Luger, oui… Et vous allez voir, elle vise plutôt bien. Je vous aurai prévenus… surtout les hommes, du reste