Si Octobre est son premier roman, Soren Sveistrup n’est pas un inconnu pour bon nombre d’entre nous puisqu’il est le créateur de The Killing, la série mythique qui a immortalisé les pulls Drops de Sarah Lund.
Au terme de cette lecture, je suis en mesure d’affirmer que le romancier est à la hauteur du scénariste. Ce qui frappe en premier, c’est la maîtrise du suspense, la précision chirurgicale dans la construction d’une histoire crédible mais surtout intéressante, bien plantée dans l’actualité politique et sociale du Danemark, qui tient ses promesses jusqu’à la dernière ligne sans aucune incohérence ou zone d’ombre.
Un corps amputé d’une main auprès duquel a été laissé en évidence un bonhomme en marrons, tradition automnale scandinave, est découvert. Lorsque sur ces marrons, dont il existe de nombreuses espèces, la police détecte les empreintes digitales de Kristin Hartung, fillette disparue plus d’un an auparavant, tout se complique brusquement, car l’enquête a été close après l’arrestation de Linus Bekker qui a avoué son meurtre. Depuis il est détenu dans un hôpital psychiatrique de haute sécurité ; le corps de l’enfant n’a jamais été retrouvé. Ce drame avait été monté en épingle par les médias, vécu comme une atteinte à la démocratie car Kristin était la fille du ministre des Affaires sociales, pour qui l’enfance maltraitée est le marqueur politique, et sa recherche avait mobilisé de nombreux inspecteurs, techniciens de la police scientifique, médecins légistes, le groupe d’intervention et plusieurs membres des services secrets.
Alors ? Comment les empreintes de Kristin sont-elles arrivées, sans lien apparent, sur cette scène de crime, un an après son enlèvement ?
Mark Hess et Naia Thulin entrent en scène. Le premier est sous le coup d’une suspension d’Europol à la Haye après quelques problèmes, et d’une mutation punitive dans un commissariat de la banlieue de Copenhague. La seconde, ambitieuse, rêve d’intégrer le NC3, service d’élite spécialisé dans la cybercriminalité, la traque des hackers ou des terroristes internationaux. Ils sont chapeautés par Nylander, qui a « résolu » l’affaire Kristin Hartung et ne voit pas d’un bon œil que l’on y revienne ; il ne souhaite que voir sa carrière progresser en pratiquant l’art du funambule, autant à l’aise sur les plateaux télés qu’auprès du procureur ou du ministre de la justice. La langue de bois est sa langue maternelle.
Soren Sveistrup invite le lecteur à pénétrer dans le cœur du réacteur d’une enquête policière complexe dont chaque piste aboutit à un fiasco ou une débâcle, où les pressions du pouvoir et les rivalités entre policiers sont omniprésentes.
Il propose aussi un instructif survol de la politique sociale mise en œuvre au Danemark pour lutter contre la maltraitance infligée aux enfants.
Un auteur qui s’inscrit dans la grande tradition du roman policier scandinave et réhabilite brillamment un genre quelque peu dévoyé au cours des dernières années par des parutions insignifiantes. Bref, j’ai adoré ce roman.