Il y avait Sherlock Holmes, Hercule Poirot, Maigret, il y aura maintenant Claire Harper ! Une formidable enquêtrice à l’esprit acéré, à la déduction poussée et à la détermination sans faille. Trois qualités que les joueurs devront réunir pour venir à bout des enquêtes de Suspects, le dernier né de Studio H.
Ces dernières années ludiques ont vu passer de nombreux jeux d’enquêtes et d’aventures sous toutes leurs formes (Unlock !, Détective, Chronicles of Crime, Decktective, Micro Macro : Crime City, et bien d’autres) pour le plus grand plaisir des joueurs. Proposer un nouveau jeu dans cette catégorie n’était donc pas une mince affaire, pourtant, Suspects relève le défi haut la main !
Qui ? Où ? Comment ? Pourquoi ? et autres déductions
Suspects est un jeu d’enquêtes aux règles minimalistes permettant de se plonger rapidement dans l’ambiance des lieux et surtout dans la psychologie des personnages ; les fameux suspects du titre. Dans cette première boîte, les joueurs incarnent l’enquêtrice Claire Harper et doivent résoudre trois scénarios se déroulant à la fin des années 20. Pour venir à bout de chaque enquête, il sera question d’observer, de dénicher, de déduire et surtout d’interroger. Et pour se faire, point d’application ici, ni de plateau, tout se joue grâce à une cinquantaine de cartes par enquête. Ce qui correspond tout à fait à l’esprit de ce jeu qui se veut avant tout narratif, comme un bon polar à la manière d’Agathie Christie ou d’Arthur Conan Doyle, dans le plus pur style Whodunit (qui l’a fait ?).
Le principe est assez simple. Un texte introduit le scénario et son ambiance, dans le premier par exemple, il sera question d’enquêter sur la mort de Mary Higgins (vous avez la référence ?), la jeune compagne d’un riche homme d’affaires, Edward Allister, disparu quelques jours plus tôt lors d’une randonnée en montagne. Et ça tombe bien, car toute la famille et les domestiques sont présents au manoir Allister, le lieu du crime. Avant de débuter, les enquêteurs prennent connaissance des objectifs du scénario présentés sous forme de questions : qui est le(la) meurtrier(-ère) ? Quel est le mobile du crime ? Quelle est l’arme du crime ?… Et pour corser encore un peu plus la partie, une mécanique de points est introduite. Le principe est simple, pour chaque question, plus la réponse est donnée rapidement (en utilisant peu de cartes), plus les joueurs marqueront de points si elle est correcte. Tout en gardant à l’esprit qu’il est possible de revenir sur les réponses données à tout moment, pour cela il suffira de corriger le nombre de cartes utilisées. De quoi mettre un coup de pression pour résoudre les enquêtes vite et bien, autant avoir l’esprit affuté donc !
Comme tout bon enquêteur qui se respecte, il est question de suivre une (ou des) piste(s) matérialisées par les cartes numérotées. Pour débuter, les joueurs ont un plan du lieu du crime à leur disposition, ainsi que différents éléments permettant de comprendre les liens entre les personnages. A eux ensuite de choisir quel endroit visiter en premier ou quel potentiel suspect interroger. Plusieurs actions sont alors possible : interroger un suspect en piochant la carte dont le numéro correspond au personnage en question ; poursuivre l’interrogatoire en utilisant plus de cartes ; se rendre dans un lieu ; examiner des éléments. Sur chaque carte figurent des textes, dans certains les personnages donneront des détails sur la découverte du corps, d’autres sur les relations entre telle et telle personne. De quoi brosser la psychologie de chacun pour comprendre » qui est qui, et qui fait quoi « , » qui a un mobile ou non « , » quels personnages ont des ressentiments pour d’autres » etc. Des cartes permettent également de décrire un lieu et les détails à examiner de plus près, pour mettre ensuite la main sur des indices. Les cartes indices contiennent bien souvent une ou des » pistes « , qu’il est possible de comparer avec les suspects (en accolant les cartes entre elles) pour en tirer des conclusions valables. Objets, empreintes et traces de pas deviennent alors de formidables alliés pour rayer des suspects sur la liste ou en ajouter… à moins qu’il ne s’agisse d’une fausse piste… Et alors que les possibilités d’actions sont riches et libres, c’est tout un éventail de théories qui s’offre aux joueurs. La tâche est complexe, il s’agit d’emprunter les bonnes voies et d’avoir un raisonnement plausible en prêtant attention à chaque détail. Car rien n’est jamais laissé au hasard dans Suspects !
Le diable se cache dans les détails
Est-ce que ça fonctionne ? Oui, parfaitement ! Nous avions beaucoup aimé la version démo distribuée en boutiques avant la sortie de Suspects même si cette première approche s’était conclue par un terrible échec. Il nous tardait donc de nous essayer aux scénarios du jeu pour prendre notre revanche. Précisons d’ailleurs que la difficulté est croissante entre chaque enquête, de quoi affuter l’esprit au fur et à mesure. Si vous cherchez du challenge, vous aurez votre compte car la résolution des enquêtes est suffisamment corsée. Et lors de la lecture de la résolution du scénario, il ne sera pas étonnant d’entendre les joueurs s’exclamer : » ah mais oui c’était évident ! « . L’expression » le diable se cache dans les détails » n’a jamais eu autant de sens !
Le mécanisme du jeu est une réussite, jamais linéaire il pousse à réfléchir aux pistes à suivre et donc aux cartes à retourner. Le côté narratif, le cœur de Suspects, répond amplement aux attentes. Le textes sont subtilement travaillés pour permettre une immersion totale, de quoi donner l’impression d’être dans un polar d’Agathie Christie. D’autant plus appréciable que nombre de clins d’œil ont été disséminés un peu partout pour le plus grand plaisir des habitués du genre, à chacun alors de retrouver les références.
Du côté des illustrations, celles-ci sont soignées, détaillées, avec un trait qui donne un caractère années 20 qui correspond au thème. On s’y croirait ! La qualité du matériel n’est pas en reste, et il est tout à fait appréciable de pouvoir se lancer dans une partie sans avoir à déballer et mettre en place pléthore d’éléments. Ce qui nous fait dire, dans le même temps, qu’il n’y parfois pas besoin de beaucoup de matériel pour plonger les joueurs dans une ambiance et donner vie à un jeu. Tout donne l’impression d’évoluer dans un bon roman dans lequel nous incarnons le premier rôle avec un bon sentiment d’immersion. Niveau durée de vie, il faut compter entre 1 et 2 heures.
En bref, Suspects est une belle réussite dans un genre chargé qui, grâce à sa simplicité mêlé à sa liberté d’action, permet de se démarquer. Aussi, il s’adresse à un public large. Des plus connaisseurs jusqu’aux plus amateurs, chacun trouvera sa place dans l’enquête et il en sera d’autant plus amusant de comparer les réflexions. D’ailleurs, ce ne sont pas toujours les afficionados de polars qui sont sur la bonne voie, ce qui prouve le côté surprenant de l’écriture des enquêtes. Un excellent Whodunit donc, il nous tarde de découvrir de nouvelles propositions dans cette gamme et de repartir traquer les criminels !
Suspects, un jeu de Paul Halter, Sébastien Duverger Nedellec et Guillaume Montiage, illustré par Emile Denis et édité par Studio H.
Nombre de joueurs : 1 à 6
Âge : à partir de de 10 ans
Durée moyenne d’une partie : 30 mn à 1h (cela peut aller jusqu’à 2h)