Aujourd’hui, c’est à un événement peu commun que nous convie Iello : une course de licornes ! Dans les plaines sauvages d’Amérique ? Non, ça, c’est réservé aux fiers mustangs. Alors au Grand Prix du Jockey-Club, à l’hippodrome de Chantilly ? Encore moins ! Ça, c’est juste bon à amuser les pur-sang ! Non, une licorne, comme son rang l’impose, ça fait la course sur un arc-en-ciel ! Bienvenue dans l’univers coloré et délirant de Unicorn Fever !
Si quelques scientifiques ayant bafoué leur âme d’enfant continuent à croire que l’apparition des arcs-en-ciel n’est rien d’autre que l’inopinée rencontre d’un rayon de soleil avec une goutte d’eau, les vrais savent que si un arc-en-ciel survient, c’est qu’un chaudron empli d’or se cache à ses pieds. Et dans le monde de la magie, aucune créature n’aime plus se jeter dans un chaudron d’or que les licornes. Aussi, aux prémices d’un arc-en-ciel, toutes les licornes des environs cessent immédiatement leurs activités (c’est-à-dire généralement brouter l’herbe d’une quelconque clairière magique) pour se ruer sur les courbes colorées et être les premières à se jeter dans le chaudron d’or !
Très vite, les plus cupides et les plus odieuses créatures magiques comprirent que ces courses de licornes représentaient un moyen facile de se remplir les poches et elles décidèrent donc d’organiser des paris clandestins. Au fil des saisons, à chaque nouvel arc-en-ciel, les courses se sont mises à drainer de plus en plus de spectateurs et, évidemment, de parieurs. Désormais, même s’il existe un côté infâmant à spéculer sur les chevauchées de ces êtres purs et innocents, être un parieur de talent apporte aussi son lot de gloire et de renommée. Serez-vous suffisamment doué pour espérer pouvoir prétendre au titre de « Maître de la Corne », c’est-à-dire à celui de meilleur parieur ?
Elle a du sang de guépard cette licorne. Du sang avec des paillettes mais du sang de guépard quand même !
Dans Unicorn Fever, les joueurs n’incarnent donc pas des éleveurs de licornes et encore moins des jockeys magiques qui chercheraient à les faire franchir la ligne d’arrivée avant les autres. Non, ici, la place des joueurs se trouve le long de la piste de course, à proximité immédiate des stands de paris, là où les tickets gagnants s’échangent contre de faramineuses quantités d’or. Pourtant, le but des joueurs ne sera pas de terminer avec une indécente fortune mais bien auréolé d’un maximum de gloire car après tout, dans le monde magique, la renommée vaut tous les trésors.
Cela dit, obtenir cette notoriété passera inévitablement par un sens de la course affûté et donc par des paris gagnants sur les licornes en compétition. Concrètement, les différentes licornes présentes sur la ligne de départ se voient attribuer une cote. Les mieux classées seront les plus susceptibles d’avancer vite sur l’arc-en-ciel et donc d’atteindre le chaudron empli d’or les premières. Mais bien évidemment, la course sera pleine de rebondissements. Avant chaque course, les joueurs pourront effectuer trois actions parmi celles disponibles. Ils pourront donc placer un pari (certains étant plus audacieux, mais aussi plus rentables, que d’autres), se refaire une petite santé financière ou encore signer un contrat avec un des clans peu scrupuleux du monde de la magie (lesquels vous apporteront des bonus permanents pour le reste de la partie).
Abracadabra cassé ! Ou plutôt abracadapatte cassée !
Et c’est tout ? Non, car une course de licornes ne serait pas une course de licornes sans un peu de tricherie magie ! Les joueurs auront en effet quelques cartes Magie à leur disposition pour influencer la course. Certaines auront des effets bénéfiques comme une accélération fulgurante ou la garantie d’un départ réussi, c’est-à-dire de quoi donner un léger coup de sabot à la licorne que vous souhaitez voir arriver en tête. D’autres cartes en revanche ont des effets négatifs et serviront par exemple à coller du chewing-gum sous les sabots des licornes encouragées par vos adversaires ou encore à les figer au moment crucial du passage de la ligne d’arrivée. Ne vous cachez pas, on vous voit déjà vous frotter les mains en gniark-gniarkant comme un petit gnome sournois. Et tout ça, sans même évoquer la fièvre galopante qui s’emparera de la licorne la moins bien classée (car blessée dans son orgueil) ni même de la pègre elfique, toujours prête à vous consentir un prêt, avec intérêts cela va sans dire…
Vient enfin le moment tant attendu de la course ! Avant celle-ci, on vérifie les cartes Magie glissées sous chaque licorne et qui vont donc les avantager/handicaper pour la manche. Puis, on retourne une carte déplacement, on avance les licornes du nombre de cases indiquées en fonction de leur cote et on lance les deux dés sprint (soit un petit coup de boost pour l’une ou l’autre concurrente). Ensuite, on recommence et dès que toutes les licornes ont franchi la ligne d’arrivée, on récompense les parieurs talentueux (ou particulièrement chanceux).
Les licornes investissent l’hippodrome hippodrôle
Unicorn Fever est un jeu extrêmement fun qui prend place dans un univers aussi coloré que décalé. Simple mais très bien pensée, sa mécanique le rendrait presque addictif. Bien sûr, une part de chance intervient (comme dans une vraie course et a fortiori, comme dans une vraie course de licornes) mais il est toujours possible d’influer sur cette part de hasard. Le jeu nous invite à prendre des risques calculés et nous pousse à faire preuve d’audace sur nos derniers paris quand on se voit distancé dans notre quête de gloire.
Et quitte à nous faire endosser le costume peu reluisant de créatures prêtes à faire de l’argent sur le dos des innocentes licornes, Unicorn Fever assume ce postulat jusqu’au bout en nous autorisant à multiplier les petites crasses sur les licornes d’autrui tout en tentant (parfois désespérément) d’avantager nos propres poulains. Nous devons reconnaître que nous avons beaucoup apprécié ce petit côté croche-patte et sournois. En plus de tout cela, Unicorn Fever est bien ficelé car la phase pré-course est finalement assez rapide (tout en étant la plus importante et la plus tactique du jeu). Et quant à la phase de course, on se surprend à y encourager nos licornes et à regarder d’un air fébrile les dés sprint rouler avec l’espoir un peu fou qu’ils influenceront suffisamment le jeu pour faire revenir notre plus gros espoir de gain dans la course…
Bref, Unicorn Fever a ce côté rafraîchissant et incroyablement fun que son univers léché le laissait supposer. Il bénéficie en plus d’une direction artistique sans fausse note et d’un matériel aussi drôle que qualitatif (coucou les figurines de licorne !).
Unicorn Fever, un jeu de Lorenzo Silva et Lorenzo Tucci Sorrentino, illustré par Giulia Ghigini et édité par Horrible Guild pour l’édition originale et Iello pour l’édition française.
Nombre de joueurs : 2 à 6
Âge : dès 10 ans
Durée moyenne d’une partie : 45 minutes