Peut-être parce qu’ils conçoivent à quatre mains et deux cerveaux, Shem Philips et S J MacDonald sont des auteurs particulièrement prolifiques dans le grand univers des jeux de société. Après avoir offert aux joueurs une première et très belle trilogie ludique avec la saga de la Mer de Nord, ils ont choisi d’explorer le Royaume de l’Ouest. Il y a d’abord eu Architectes puis Paladins et enfin Vicomtes. C’est sur ce dernier, celui qui ferme cette seconde trilogie, que nous allons nous arrêter aujourd’hui. Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce qu’il s’agit à nos yeux d’un des meilleurs du lot (oui, c’est subjectif) mais aussi parce deux très belles extensions sont venues l’enrichir.
980 après J.-C. – Royaume de l’Ouest. Alors que vous chevauchez aux abords de la ville, vos yeux se perdent sur l’horizon du Royaume que vous chérissez tant. Feignant une poussière, vous chassez d’un revers de gant le voile de tristesse et de colère qui est venu masquer votre regard. Vous ne voulez surtout pas que les braves villageois des alentours puissent déceler le doute qui s’insinue en vous tel un poison. Le Roi est vieux et il n’est plus que l’ombre du meneur d’hommes qu’il a été. En votre qualité de Vicomte, le devoir de maintenir la puissance et la grandeur du Royaume vous incombe. Mais la tentation est partout et face à elle, vous doutez de votre propre capacité à rester vertueux et à ne pas sombrer dans la corruption…
Qui a dit « carrousel du Royaume de l’Ouest » ?
Vous voilà donc anobli ! Félicitations ! Mais ne pensez surtout pas à vous reposer sur votre titre. Le Royaume a besoin de vous et il ne manque pas d’autres Vicomtes ambitieux. Votre but : marquer un maximum de points de victoire. Bien sûr, ce n’est pas très original mais ce qui l’est beaucoup plus, c’est la façon d’y parvenir. Dans Vicomtes du Royaume de l’Ouest, vous allez tourner (en rond) autour du château sur un plateau circulaire pour effectuer à chaque tour l’une des quatre actions disponibles. Si vous êtes sur la couronne extérieure du plateau, vous pourrez commercer ou construire un bâtiment. Si en revanche vous avez opté pour un arrêt le long de la couronne intérieure du plateau, vous pourrez envoyer des ouvriers au château ou transcrire un manuscrit.
Chaque action aura son intérêt propre. Commercer vous permettra de glaner des ressources, construire vous débloquera des améliorations et des symboles permanents (lesquels amélioreront l’efficacité de vos actions), transcrire un manuscrit vous offrira des avantages et vous permettra de débuter des collections (potentiellement pourvoyeuses de points de victoire en fin de partie) et enfin, envoyer des ouvriers au château sera l’occasion de récupérer des bonus mais aussi de les placer stratégiquement en vue du décompte final.
Un vicomte voulant vicomter sans ses villageois n’est pas un vrai vicomte…
Pour réaliser ces dites actions, et surtout pour qu’elles soient efficaces, les joueurs vont avoir besoin de différents symboles (des marteaux pour la construction, des croix pour la transcription, etc…). Et c’est là que les villageois interviennent. En effet, Vicomtes du Royaume de l’Ouest a un « petit » côté deck-building très sympathique. Chaque joueur débute la partie avec une main de villageois et il va les jouer progressivement pour leurs capacités mais aussi pour les symboles qu’ils comportent. De cette façon, le joueur aura en permanence trois villageois actifs devant lui et les caractéristiques de ceux-ci le guideront dans ses choix et établiront la puissance de ses actions.
Et les vertueux vaincront les corrompus (à moins que ça ne soit l’inverse…)
A l’image d’Architectes et de Paladins – ses prédécesseurs dans la saga du Royaume de l’Ouest – Vicomtes est un jeu rempli de mécaniques connexes et de petits twists aussi efficaces qu’originaux. Déjà, il dispose d’une jauge de vertu et de corruption que les joueurs feront avancer en fonction de leurs actions (recruter des criminels est par exemple très efficace mais peu vertueux). Ensuite, la fin de la partie sera déclenchée dès que la pile des cartes dettes ou celle des actes de propriété est épuisée. Mais attention, si le Royaume a sombré dans la pauvreté, comprenez que la pile des dettes est épuisée, ce sont les actes de propriété qui vaudront des points de victoire. Et l’inverse est également vrai. Si tous les joueurs se sont rués sur les actes de propriété, la partie se terminera dans la prospérité et récompensera plutôt ceux qui auront contracté un maximum de dettes…
Vous voulez un autre exemple ? Eh bien évoquons la montée des ouvriers dans les différentes strates du château (et les réactions en chaîne que cela peut provoquer). Ou encore la possibilité d’assassiner le villageois présent dans votre coin de plateau pour bénéficier de ses symboles…
Tous ces exemples (et il y en d’autres) sont les subtilités qui vont venir consteller le jeu et pourtant, en dépit de celles-ci, il reste délicieusement fluide. Au fur et à mesure des tours qui s’enchaînent, on se surprend à surveiller les déplacements des vicomtes adverses, à lorgner sur les villageois à recruter, à enchainer mentalement les déplacements des ouvriers dans le château, à calculer le coût de notre prochaine construction…. Bref on tente d’établir une stratégie et de choisir un des (nombreux) chemins susceptibles de conduire à la victoire finale.
Faites entrer le Gardien des Clés (par les Portes Dorées s’il-vous-plaît)
Deux extensions sont d’ores et déjà venues approfondir le pourtant déjà riche Vicomtes du Royaume de l’Ouest. Dans la première – Gardien des Clés – des héros pourront être recrutés, des bâtiments publics pourront être construits et des coffres pourront être récupérés dans les anfractuosités les plus secrètes du château. Les premiers viendront gonfler les rangs des villageois présents dans la main des joueurs, les seconds offriront de puissants effets permanents à qui les construira et les derniers augmenteront les capacités des villageois en venant s’ajouter sur le plateau personnel des joueurs. De quoi accroître solidement la rejouabilité de l’ensemble !
Et la seconde – Portes Dorées – va dans le même sens que la première puisque là encore, l’objectif est d’apporter de la diversité au jeu de base. Déjà, elle offre une plus grande variété de cartes (notamment des cartes Objectif) mais elle introduit aussi un plateau Manuscrit, des ordres du Roi et des cartes Envahisseur. Ces deux derniers éléments sont étroitement liés puisqu’au cours de la partie, les joueurs pourront choisir d’utiliser les ordres du roi pour accueillir des envahisseurs (joyeux pourvoyeurs de points en fin de partie) ou pour les repousser (et ainsi gagner des récompenses immédiates).
En conclusion
Vicomtes s’inscrit parfaitement dans la fière lignée des jeux qui l’ont précédé dans la saga du Royaume de l’Ouest. Accessible mais exigeant, il est rempli de petites subtilités qui lui donnent toute sa saveur. Comme c’était le cas pour Architectes et Paladins, il laisse dès la partie achevée un délicieux goût de « reviens-y » sur la langue. On a sans cesse envie d’explorer de nouvelles stratégies, de recruter différents types de villageois ou encore de se laisser plus tenter par les criminels et par l’axe corruptif. Tout ça, sans même parler de la direction artistique et des superbes coups de crayon de The Mico qui depuis l’avènement de la saga de la Mer du Nord, ont réussi à donner une identité visuelle aussi claire que marquée aux différents jeux qui se sont succédé.
Vicomtes du Royaume de l’Ouest, un jeu de Shem Philips et S J MacDonald, illustré par The Mico et édité en français par Pixie Games.
Nombre de joueurs : 1 à 4
Âge : dès 12 ans
Durée moyenne d’une partie : 90 minutes
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