« Dans l’espace toute forme de vie est impossible », c’est par cette phrase que débute Gravity. Pendant près d’une heure trente le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron met en scène, sept ans après son précèdent film Les fils de l’homme, la lutte d’une femme pour survivre dans ce milieu hostile qu’est l’espace. Gravity raconte l’histoire de deux astronautes de la NASA, le docteur Ryan Stone interprétée par Sandra Bullock et l’astronaute chevronné Matt Kovalsky interprété par Georges Clooney. Tout commence par une banale mission de maintenance sur un télescope spatial mais une catastrophe se produit, une navette russe a été détruite par un missile créant une réaction en chaîne de débris qui foncent droit sur nos deux protagonistes. Lorsque leur navette est pulvérisée, Stone et Kovalsky se retrouvent totalement seuls, livrés à eux mêmes dans l’univers. Commence alors un long périple pour trouver un moyen de rentrer sur terre.
« Le tournage dans l’espace a-t-il été compliqué ? » telle est la question posée par un journaliste au réalisateur lors d’une conférence de presse à Mexico. Si la question peut prêter à rire dans un premier temps, elle prouve l’exploit technique du film. Car oui Gravity a été tourné uniquement en studio grâce à une innovation technologique : la lightbox. Afin de pouvoir rendre compte de la gravité zéro, les équipes du film ont mis au point une technologie totalement inédite : un cube aux parois intérieures constituées de panneaux couverts de minuscules lampes LED permettants de simuler n’importe quelle ambiance lumineuse en projetant l’environnement dans lequel se déroule la scène. Des bras robotisés s’occupaient quant à eux de faire bouger acteurs et caméras, un peu comme des marionnettes, dans le but de donner l’effet d’apesanteur. Et il faut dire que le résultat est saisissant, c’est simple on s’y croirait. Gravity fait partie de ces films, comme 2001 l’odyssée de l’espace de Kubrick, qui marquent le cinéma de par leur prouesse technique, poussant l’art cinématographique à un niveau supérieur.
Dès le début du film, Cuaron réussit à allier un plan séquence de 15 minutes à des images spatiales d’une beauté infinie. Sa caméra est flottante et nous propulse totalement dans l’espace aux côtés de Bullock et Clooney. On est littéralement avec eux, on les suit de près, on ne les lâche pas. Et lorsque la caméra pose son regard (et donc le notre) sur la Terre, qui semble si calme, si tranquille, le spectacle atteint un niveau de magnificence absolue. On est absorbé par ces images tant et si bien qu’on ne veut pas les voir disparaître. L’ambiance sonore joue aussi un rôle très important, passant de moments de silences et de calmes absolues à une explosion de bruit assourdissante qui nous plonge alors dans un sentiment de stress et ne nous laissant aucun répit lorsque la catastrophe arrive. La musique est là pour renforcer ce sentiment d’isolement, de solitude.
Tout cela est accentué par la 3D. Si celle ci n’a jamais prouvée sa valeur au cinéma jusque maintenant, elle prend tout son sens ici nous donnant l’impression d’être dans l’espace, d’être en apesanteur, suspendu à un fil. On flotte, on se déplace lentement, on gravite avec Sandra Bullock et George Clooney, on se sent perdu dans une immensité d’étoiles et de noir. Cette 3D immersive fini par devenir presque invisible tant elle est naturelle. Et lorsque les débris arrivent, elle nous rappelle sa présence. On a alors vraiment l’impression que les objets vont nous arriver dessus, on subit les événements comme les personnages du film. Le spectacle parvient sans mal à mettre tous nos sens en éveil : l’expérience sensorielle est totale. Tout se tient : les plans-séquences vertigineux, les renversements de perspective, les mouvements de caméra déconcertants, les transitions subjectives, les prises de vues édifiantes, les effets spéciaux somptueux – ce syndrome de Kessler (la réaction en chaîne engendrée par les débris spatiaux) filmé avec maestria, débordant d’imagination et de splendeur.
Gravity est une mécanique imperturbable, une bouffée d’oxygène pur dans un milieu vicié, qui éclaire d’un jour nouveau le septième art. Subjugué par l’aspect technique on en oublierait presque l’histoire du film assez simple finalement, à la symbolique trop poussée parfois. Parce que ce que nous raconte Gravity c’est la renaissance d’une femme, impossible d’ailleurs de louper ce plan beaucoup trop appuyé où Sandra Bullock est en position de fœtus avec un câble flottant en arrière plan représentant le cordon ombilicale. On pourra alors reprocher au cinéaste cette réflexion philosophique maladroite sur l’amour maternel et sur la survie, appuyée par des monologues de Ryan Stone/Sandra Bullock presque ridicules. Et c’est donc sur le dernier quart que la force du film se perd un peu à cause de ce symbolisme assez lourd. Enfin sans épiloguer sur le jeu des acteurs, Sandra Bullock tient ici la meilleure prestation de sa carrière, tandis que Georges Clooney tout en sobriété est bon comme à son habitude. Leur duo assez inattendu sur le papier fonctionne à merveille à l’écran permettant de s’identifier à eux rapidement.
Gravity est donc une performance technique qui fera date. Imparable et haletante, inédite et percutante : un classique instantané. Une véritable expérience cinématographique.