Un titre énigmatique pour un roman franchement splendide. Celle qui va « illuminer » toute l’histoire, du début à la fin, c’est « la fille des marais », la superbe Kya. Née sous une étoile flétrie, Kya se retrouve à vivre seule dans les marais de Barkley Cove, petite ville
de Caroline du Nord… A dix ans, sa mère, ses frères et sœurs puis son père l’ont abandonnée dans un milieu hostile avec lequel elle va rapidement « faire corps », par force, bien sûr.
Survivre. Manger. Exister. Ce milieu, elle va l’apprivoiser au point d’en faire un allié, un milieu nourricier, d’abord « physiquement » puis intellectuellement, car de cette « fusion » naîtront de fort « belles choses ». Pour l’aider à se construire pour s’en sortir, quelques très belles personnes, Tate, Jumping et Mabel, Jordie, mais aussi, hélas, bon nombre d’opposants pleins de préjugés, racistes, prompts à juger, à accuser, à diaboliser, des humains, quoi…
C’est dans cette nature dans laquelle elle se fond que Kya puisera des ressources incroyables pour s’opposer de la plus belle des manières à la vindicte populaire qui n’aura de cesse de l’accabler. Un personnage de toute beauté, envoûtant, un personnage auquel on s’attache, à qui on va tout « passer », pour qui on va vibrer, trembler.
Ce livre, c’est un somptueux cadre d’une nature luxuriante hostile ou salvatrice, refuge impénétrable de toutes les misères humaines, milieu privilégié des opprimés et des exclus, ceux dont la solitude est la principale compagne : Kya.
Il y aura aussi une enquête policière qui, si elle ne me semble pas de nature à détourner notre attention de l’essentiel, n’en demeure pas moins un élément très intéressant dans cette histoire. Au point de rendre plus que remarquable le dénouement du roman. La traduction est très agréable, alerte, efficace, le style fait qu’on lit sans peine un récit qui aurait pu « s’enliser ». Tant on va rester dans un milieu relativement clos et menaçant, tant par ses décors que par l’attitude des êtres désespérés qui y vivent et l’hostilité de ceux qui n’y vivent pas.
De multiples thèmes sociétaux sont abordés avec pudeur, certes, mais avec une force incroyable. C’est un livre qui donne à réfléchir, avec un petit côté « Tom Sawyer » pour le meilleur et « My absolute darling » pour le pire. Un roman où la violence sans doute un peu « diluée » dans l’opulence de la nature, est perpétuellement présente.
J’ai adoré ce roman, je l’ai dévoré, il m’a touché, émue, beaucoup plu, interpellé. Je peux me tromper, bien entendu, mais je ne serais pas du tout surprise qu’il recueille de très bons
échos. Cet hymne à la nature nous ramène à des valeurs essentielles. Et s’il suffisait de se rendre « là où chantent les écrevisses » ?