Une nuit, l’obscurité s’est épaissie emportant le prisme des couleurs. Il n’est plus possible de distinguer le vert de jade des cimes des arbres, l’indigo a quitté le lit de la rivière, le pourpre des montagnes s’efface peu à peu. Est-ce la silhouette d’un volcan que l’on distingue au loin ? Le soleil est-il levé ? Impossible à dire… Tout est silencieux, le monde baigne dans une triste solitude. L’ère des Ténèbres a débuté. Mais tout n’est pas encore perdu, de fiers aventuriers formés à maîtriser le pouvoir des éléments sont sur le point de se lancer dans une quête pour laquelle ils ont été préparés toute leur vie !
Pour venir à bout de l’obscurité, ces aventuriers ont huit jours pour récupérer suffisamment d’éclats de lumière et restituer les couleurs. Pour mener à bien leur périple, de fidèles compagnons se joindront à eux au cours d’un sinueux chemin vers les lieux éclairés. Mais seul l’un d’entre eux entrera dans la légende ! Qui fera retrouver ses couleurs à ce monde plongé dans les ténèbres ? A vos dés, aventuriers !
50 lueurs de dés
Lueur intrigue, Lueur surprend, Lueur passionne. Lueur, c’est tout d’abord un titre ; intriguant. Lueur, c’est également une boîte à la couverture superbe dont le parti pris artistique surprend. Enfin, Lueur c’est un jeu à la mécanique efficace qui passionne. Arrêtons ici les mystères et regardons de plus près ce qu’il en retourne. Lueur est le dernier né de l’éditeur Bombyx, un jeu imaginé par Cédrick Chaboussit, et superbement illustré par Vincent Dutrait et Benjamin Basso. Il vient de débarquer sur les étals de nos boutiques de jeu favorites, précédé d’une solide réputation. Réputation qui, disons-le d’emblée, n’est absolument pas usurpée. Voyez plutôt !
Avant de s’intéresser aux mécaniques du jeu, parlons déjà de son design graphique. La couverture avec son illustration de noir et de blanc griffonnée surprend. A l’ouverture de la boîte, le plateau et les cartes sont du même acabit. Une direction artistique totalement assumée (que nous avons totalement adoré) en adéquation avec la thématique de Lueur, et qui le démarque d’autres productions ludique. Dans ce jeu plutôt orienté familial, il s’agira de ramener la lumière (et les couleurs) à un monde plongé dans les ténèbres. Pour se faire, les joueurs devront récupérer des fragments de lumière (points de victoire). Mais attention, Lueur n’est pas un jeu coopératif comme son thème pourrait le laisser penser mais bien un jeu compétitif. Car celui qui sera le plus avancé sur la piste des éclats de lumière remportera la partie ! Pour résumer sommairement le principe, il s’agira de recruter des compagnons, lancer des dés pour activer des pouvoirs, et de déplacer sa compagnie sur un plateau plongé dans les ténèbres.
Le jeu se décompose en huit jours/tours. Chaque joueur se voit assigné un aventurier, accompagné de ses gros dés (deux dés bleus pour l’un, trois rouges pour un autre, etc), qu’il gardera toute la partie. Sur chaque face de dé figure des éléments ; eau, feu, vent, ect. Au début de chaque journée, les joueurs vont, à tour de rôle, recruter un compagnon parmi les cinq présents sous une piste de rencontre. Chaque carte de compagnon a sa spécificité, en la recrutant l’un vous fera gagner un gros dé supplémentaire, un autre des éclats de lumière (à ajouter en fin de partie), des jetons de relance, ou plusieurs effets à la fois. Aussi, ces compagnons possèdent chacun des capacités liés à des éléments spécifiques et activés selon le résultat de vos dés. Au préalable, des petits dés auront été lancés et placés au dessus de chaque compagnon selon leur symbole. C’est à ce moment que rentre en jeu toute la difficulté du recrutement et ces diverses questions ; est-ce que je prends ce compagnon car sa capacité m’intéresse même s’il ne me rapporte que deux petits dés ? Ou plutôt celui-ci car je vais pouvoir en ajouter cinq à mon lancer ? Précisons également qu’il est important de bien prendre en compte les symboles attendus par chaque compagnon pour activer leur capacité.
Car vient alors la seconde phase de jeu. Une fois les compagnons enrôlés, et leur dés récupérés, les joueurs vont jouer simultanément et lancer leurs dés. Les résultats obtenus permettront alors de déclencher des capacités. Avec une belle subtilité ! Car un même dé peut activer les capacités de plusieurs cartes, voire même un joueur peut déclencher plusieurs fois l’effet d’une carte s’il possède plusieurs dés avec le ou les éléments nécessaires. De quoi permettre de déclencher des effets en cascade, mais attention ! Certaines combinaisons de dés feront mourir l’un de vos compagnons ; parfois pour la bonne cause avec des gains à la clé, mais souvent cela entraînera des malus. Bref, de nombreux choix avec une interrogation qui ne cessera de vous tarauder : je relance ou pas ? Tout en sachant que la relance des dés est possible mais cela a un coût : défausse de jetons, perte d’éclats de lumière, utilisation de capacité de compagnons. Un subtil jeu de bénéfices/risques s’enclenche alors.
Pour la dernière phase de jeu, toujours avec le même résultat de dés, les joueurs vont alors pouvoir déplacer leur compagnie sur le plateau. Pour avancer, il vous sera demandé d’avoir tel ou tel élément inscrit sur vos dés, ou au contraire de ne pas avoir tel ou tel élément dans votre lancé. Aussi, il est possible de défausser des jetons petits pas pour avancer d’une case ou de plusieurs (en gardant à l’esprit que ces jetons permettent également de marquer des points en fin de jeu). En avançant sur la carte, les aventuriers pourront récupérer des jetons relance, des lucioles, et surtout des éclats de lumière. Dans ces sinueux chemins se cachent des villages éclairés dans lesquels la pose d’un campement permet de « sauvegarder » l’emplacement et ainsi de marquer des points. Des villages qui, dans le même temps, demanderont des pré-requis pour y accéder (la plupart du temps de défausser des pas). En résumé, plus le joueur avance sur la carte plus il aura de possibilités de marquer des points ; mais à quel prix ? Surtout, il sera nécessaire de bien prendre en compte cette phase d’exploration, en plus des effets des compagnons, lors du précédent lancer de dés. En bref, des dés, des dés, et encore des dés. Des choix, des choix, et encore des choix. Une mécanique simple, habile, qui fonctionne à merveille d’autant plus que tout le monde joue en même temps ce qui permet une partie fluide. Ajoutons enfin que le plateau de jeu est réversible pour permettre de gagner en rejouabilité. Sur le verso, il s’agira de faire avancer des bateaux sur des lagunes enténébrées. La partie se corse alors.
Une lueur dans la nuit
Nous l’avons dit plus haut, Lueur est tout simplement somptueux sur le plan visuel. Le coup de crayon de l’illustrateur est sublime, avec un noir et blanc du plus bel effet et des créatures/compagnons qui s’inscrivent bien dans le thème. Un trait presque Burtonien dans le style. Ne serait-ce que pour son design, son univers, son propos, Lueur donne envie de se plonger dans une partie. Il se paye le luxe de ne pas être simplement beau, mais également diablement efficace avec sa mécanique de draft/combos/gestion de dés, rafraîchissante et rapide. La balance stratégie/hasard est bien respectée, donnant une chance à chacun de se refaire au cours de la partie. Du joueur amateur au plus expert, Lueur a de grandes chances de plaire à tous.
A cela s’ajoute des règles intelligemment rédigées, vite lues, vite comprises, avec une mise en bouche de son propos en préambule, qui donnent envie de se lancer dans une partie rapidement. A cela s’ajoute une édition que l’on ne peut que saluer (même si c’est habituel chez Bombyx), avec un matériel soigné. Mention spéciale notamment pour le choix du vernis sélectif qui apporte du relief à certains éléments sur les cartes qui fait son petit effet. Une édition en osmose avec le soin apporté au design du titre. Pour toutes ces raisons, il ne sera pas étonnant de retrouver Lueur dans toute bonne ludothèque qui se respecte d’ici peu ; mais dépêchez-vous, on me glisse dans l’oreillette qu’il se vend comme des petits pains (c’est bon signe, non ?). Une petite bombe ludique à ne surtout pas manquer !
Lueur, un jeu de Cédrick Chaboussit, illustré par Ben Basso et Vincent Dutrait, édité par Bombyx.
Nombre de joueurs : 2 à 4
Âge : à partie de 8 ans
Durée moyenne d’une partie : 30mn à 1h