Depuis l’énorme succès de Darkest Dungeon en 2015 et de son univers sombre et captivant, les jeux à tendance rogue-like alliant la difficulté à un univers digne des meilleurs romans de Lovecraft se multiplient, confrontant les joueurs et leurs pauvres avatars à des créatures toutes plus sinistres et cauchemardesques les unes que les autres.
Gods Will Fall (« Gwouf » pour les intimes) ne fait pas réellement exception à la règle et propose au joueur de relever le défi de hordes de fanatiques démoniaques, armé de son seul courage, d’armes rouillées et d’une vaillante petite équipe de 8 guerriers celtes, bien déterminés à anéantir le panthéon divin régissant leur monde. Une ambition pas piquée des hannetons.
Contes et légendes du nord
Edité par le studio allemand Deep Silver et disponible sur Switch, PS4, Xbox One, PC et Stadia, Gods Will Fall propose une histoire et un concept de prime abord relativement simple. Au commencement, vous raconte un narrateur à la voix profonde et au langage fictif que l’on qualifiera assez facilement de « nordique », les Dieux créèrent les hommes et le monde… Avant d’abuser de leurs pouvoirs et de réduire leurs créations en esclavage.
Fatigués par des siècles d’abus, les hommes décidèrent de lever une armée et de prendre la mer en direction de l’île des Dieux, sans vraiment anticiper que celui en charge des océans risquait de se fâcher. Arriva ce qui devait arriver et c’est trempés, affaiblis mais bien déterminés à se venger que vos 8 survivants s’échouent sur l’île abritant leurs féroces adversaires.
Le jeu enchaine très rapidement en proposant un donjon tutoriel au cours duquel on comprendra que si les Dieux sont relativement puissants, ils n’en restent pas moins retors, voire couards, et n’accepteront d’affronter qu’un seul guerrier à la fois. Guerrier qui, en plus de devoir s’engager seul dans le donjon abritant son futur adversaire, sorte de plan parallèle aux couleurs du domaine de son propriétaire (une crique aux naufragés pour les océans, une falaise décharnée hérissée de forets d’os géants pour le dieu de la chair et des os, …), devra traverser le dit donjon en affrontant sur son passage les hordes de fanatiques au service de la divinité maléfique. A la clé, un face à face des plus dangereux avec la bête et le salut de l’humanité tout entière !
Une tâche d’autant plus difficile qu’il vous faudra décider si esquiver les combats avec les sbires de votre adversaire est aussi rentable qu’il y parait. En effet, plus vous abattrez leurs fidèles, plus vous affaiblirez les Dieux en amont du duel avec votre champion (comprenez que leur barre de vie sera moins fournie).
Un peu de poésie et beaucoup de grosses baffes
Vous l’aurez compris, chaque héros correspond donc à une vie. Chacun utilise son propre style de combat en fonction de l’arme équipée, modifiable entre les donjons, et dispose de compétences spéciales qui évolueront au fur et à mesure que vous vaincrez vos adversaires. On pourra ici noter une première faiblesse du jeu qui, sur les 8 guerriers disponibles, ne propose que 4 armes différentes, donc 4 styles de combats, rendant la personnalisation de vos combattants assez annexe dans la mécanique de jeu.
Et la mécanique parlons-en justement. Depuis le « hub » principal, l’île des Dieux, vous pourrez diriger votre petite troupe et choisir librement la créature que vous aurez décidé d’affronter. Aucune indication sur la difficulté du niveau ou sur les défis que vous aurez à relever ne vous sera fournie. Ces connaissances s’acquièrent sur le tas au cours de votre progression dans le donjon.
Un pari d’autant plus risqué puisque si votre guerrier échoue dans sa quête, en tombant sous les coups de l’ennemi ou en glissant bêtement dans un ravin, son âme se retrouvera prisonnière du Dieu offensé et il vous faudra recommencer le niveau dans son intégralité avec un autre champion. Seul moyen de récupérer vos alliés tombés sur le champ de bataille : vaincre la créature, libérant par la même ses prisonniers traumatisés.
Car les relations entre vos guerriers et leur état d’esprit influent sur leurs statistiques (vie, vitesse de déplacement et attaque). Ainsi, deux guerriers ayant passé du temps à l’extérieur du donjon à attendre le retour triomphant de leur compagnon pourront développer une romance à priori sans effet. Mais lorsque l’un d’eux se retrouvera pris au piège d’un donjon, l’autre verra ses points de vie renforcés par sa détermination à sauver son amant. De même, si l’un de vos combattants affecte une rancune toute particulière envers un Dieu et échoue dans sa quête, les tourments infligés par la créature pourront avoir un impact négatif plus ou moins temporaire sur ses statistiques pour les prochains niveaux. Un critère de plus à prendre en compte dans la sélection du niveau et du champion qui devra le braver.
Une fois au cœur du donjon, le jeu prend rapidement des formes de beat-them-all très classique et voit votre vaillant celte crapahuter prudemment dans le niveau en défouraillant bravement, ou pas pour peu que vous fassiez bon usage de vos jambes, les fanatiques se dressant sur son chemin. Chaque arme fonctionne un peu différemment (car oui on ne manie pas la lance de la même manière que les doubles lames) mais on retrouvera globalement une attaque puissante, une légère, un saut (et donc une attaque sauté), la possibilité de lancer les armes rustiques ramassées sur les cadavres de vos adversaire, seule attaque à distance disponible dans le jeu et la fameuse esquive/dash, point clé du gameplay.
En effet, la plupart des attaques de vos adversaires disposent d’un sweet spot. Un dash bien placé au bon moment et le voila étourdi, vous offrant l’opportunité de lui foncer à nouveau dessus pour l’attraper et le propulser sur vos autres adversaires ou, au hasard, dans le vide. Sous son air relativement simple la tache se révèle plus ardue qu’il n’y parait, le spot n’apparaissant réellement que pendant un laps de temps très court et vous aurez plus vite fait de vous jeter dans la rafale d’attaque de vos adversaires, plutôt que de les estourbir comme escompté.
Enfin, autre point d’innovation, en bons barbares celtiques vos guerriers accumulent de la rage à force de jouer au boulanger et de distribuer les pains. Une pression de la gâchette et vous consommerez cette ressource pour régénérer votre vie et augmenter votre puissance d’attaque pendant un certain temps. Les deux jauges fonctionnant de manière synergique, plus votre jauge de vie se vide, plus vous pouvez accumuler de rage et donc plus vous regagnerez de vie et augmenterez votre puissance en l’utilisant. Simple mais efficace.
Toute la difficulté du jeu repose en réalité sur deux principes : le sweet spot, qu’il vous faudra absolument maitriser surtout dans les affrontements avec plusieurs adversaires, et le fait de devoir recommencer le niveau en entier à chaque défaite, comme au bon vieux temps, qui vous arrachera certainement plus d’un cri salé et vaudra très certainement quelques vol planés à votre pauvre manette.
On relèvera d’autant plus la facilité déconcertante avec laquelle vos héros parviennent à glisser d’un pont trop étroit pour finir au fond du trou. Qu’elle soit héroïque ou non, votre fin entrainera immanquablement le reboot du niveau et il vous faudra sans doute plusieurs essais pour enfin parvenir au bout du jeu et de la dizaine de Dieux que le titre vous propose de faire tomber.
Au son des tambours
On enchaine donc les donjons, les victoires et leurs moments d’euphories ainsi que les défaites et le sel mais Gods Will Fall, c’est avant tout une ambiance qui empêche réellement le jeu de tomber dans une monotonie redondante (hub, donjon, boss, hub, donjon, boss, …).
La musique, tribale et angoissante, se veut discrète à l’entrée du royaume divin et prend de l’ampleur à mesure que votre champion progresse et franchit les épreuves. A cela s’ajoutent les rugissement sinistres des fanatiques en chasse, les pleurs des âmes damnées que vous croiserez sur votre chemin et le hululement du vent montant des abysses que vous franchirez sur ce maigre pont de corde, grinçant au rythme de vos pas.
Ne vous fiez pas au chara design simpliste de vos héros, chaque niveau offrira à vos mirettes fatiguées par la concentration des décors imposants, rivalisant d’ingéniosité pour mettre en avant le domaine de votre adversaire et développer la lore mythologique du jeu. On s’arrêterait presque pour regarder si un colosse difforme ne vous fonçait pas dessus pour vous embrocher. Même remarque pour les boss, au cœur même du jeu, qui sont soigneusement conçus pour représenter toute la monstruosité et la corruption des entités que vous affrontez. D’apparence simple au premier regard, Gods Will Fall se révèle rapidement un petit bijou graphiquement sinistre qui en charmera plus d’un.
En conclusion, de la simplicité naît la complexité de Gods Will Fall, un jeu à la frontière du rogue-like et du beat-them-all qui ne se laissera pas dompter par le premier venu. Malgré les pistes d’amélioration visibles (manque de diversité dans les armes, ennemis qui se bloquent dans le décor, les héros qui semblent parfois être montés sur patins à roulettes, …), cette épopée épique ancrée dans le folklore celte saura en charmer plus d’un par sa patte graphique et son concept de jeu qui se joue vite et bien, sans faire aucune concession sur sa difficulté. Mais, en fin de compte, les Dieux finiront par tomber.