En 2012 sortait le premier film de la saga des Avengers, adaptation cinématographique des aventures de la principale équipe de super-héros issue des écuries Marvel, chargée de protéger notre belle planète Terre contre les menaces extraterrestres, extradimensionnelles, extraordinaires… En somme, le genre de menaces extra que nos charmants gardiens de la paix auraient un peu de mal à gérer en temps réel.
Succès international s’attribuant au passage la place de cinquième film le plus rentable de l’histoire du cinéma, comptabilisant au box-office près de 7 fois son budget (estimé à la bagatelle de 220 millions de dollars), Avengers ouvre surtout les portes du monde jusqu’ici très fermé des comics et des bandes dessinées de super-héros à un tout nouveau public.
C’est le début d’une longue, très longue vague de films et d’adaptations du matériel source sur grand et petit écran, tant du côté de Marvel que de son concurrent DC Comics, qui dure encore à ce jour. Si le cinéma et la télévision ont ainsi eu droit à leur lot d’adaptations et de films à succès ces dernières années, le domaine du jeu vidéo reste encore relativement épargné par la vague Marvel.
Bien entendu, il serait criminel de parler de jeux vidéo Marvel sans mentionner l’excellent Marvel’s Spiderman et sa pseudo-suite/DLC mettant en scène Miles Morales. D’autant que l’homme-araignée, comme certain de ses compères, avait déjà eu droit à plusieurs adaptation sur les anciennes générations de consoles, sans pour autant réussir à percer outre mesure. Le jeu vidéo restait en effet jusqu’à ce jour un territoire relativement privilégié de la team DC Comics, dont la trilogie des Arkham Knight aura su laisser son empreinte dans l’histoire du jeu vidéo.
Avec une flopée de titres en préparation, dont Spiderman 2 et un projet de jeu basé sur Wolverine, Marvel s’aventure aujourd’hui pour la première fois avec ses Soleils de Minuit sur le terrain très prisé (et très aimé de votre rédacteur) du tactical.
Midnight Suns, Assemble !
Au premier abord, on pourrait penser que Marvel’s Midnight Suns cherche à lorgner du côté de X-COM, ne serait-ce qu’avec ses environnements de combat qui rappellent étonnamment cette saga de science-fiction où des gentils militaires américains du futur doivent faire face à une invasion d’aliens, son gameplay au tour par tour demandant de profiter du terrain pour infliger potentiellement plus de dégâts aux ennemis et la nécessité de positionner correctement ses unités pour pouvoir déclencher combos et techniques de combat en tout genre.
Et pour cause, ce n’est autre que le studio Firaxis, à l’origine même de la saga des X-COM et épaulé par l’éditeur 2K Games, qui s’est occupé du développement de Marvel’s Midnight Suns. On aurait ainsi pu craindre de se retrouver confronter à un bête clone repeint aux couleurs jaunâtres des Suns mais il n’en est rien.
Firaxis et 2K Games semblent en effet avoir compris l’importance de faire ressentir au joueur toute la puissance des supers combattants que vous propose d’incarner son titre. Plus question ici de profiter de la couverture proposée par le terrain ou de se cacher en embuscade pour atomiser le moindre ennemi osant passer une tête hors de son abri. On parle ici plutôt de grosses mandales dans les dents, de morceaux de parpaings propulsés à mach 5 dans les gencives de vos ennemis et d’impacts atomiques laissant des cratères calcinés ici et là sur le champ de bataille.
C’est un des aspects les plus jouissifs du titre. Les attaques héroïques s’enchainent et les environnements conservent tout au long des combats la trace des impact et des explosions subies. Un contraste frappant (vous l’avez ?) avec la qualité graphique globale du jeu. Marvel’s Midnight Suns est disponible sur PC, certes, mais également sur les consoles de nouvelles générations que sont la PS5 et la Xbox Series et pourtant, la patte graphique du titre reste relativement pauvre.
Même constat du coté des options de création du personnage principal : The Hunter en langue shakespearienne, un avatar pensé pour l’occasion mais dont la palette de possibilités graphique reste relativement pauvre au début du jeu. Il faudra attendre d’accumuler un peu de Glam, la monnaie cosmétique du jeu, pour pouvoir peut-être enfin vous rapprocher un peu plus du super dude de vos rêves.
Non Hunter, je suis ta mère !
Mais laissons là ces considérations bassement esthétiques pour nous intéresser au cœur du sujet et à son gameplay. Tout d’abord le scénario, bien loin de casser trois pattes à un canard. La grande méchante sorcière Lilith, adepte du Dieu Ancien Chthon, réveillée par l’organisation Hydra, cherche à dominer / détruire / corrompre le monde grâce à une armée de soldats boostée aux hormones magiques noires et à quelques super-vilains bien connus des adeptes (dont Venom et Dent-de-Sabre, pour ne citer qu’eux).
Face à cette terrible menace, un seul espoir, le Hunter, l’enfant unique de Lilith élevé au moyen-âge par un ordre de sorciers guerrier dans le seul et unique but de vaincre sa mère et dont l’enveloppe physique est jalousement gardée par les fameux Midnight Suns, un groupe de héros des temps modernes chargé de veiller sur le seul espoir de l’humanité face à Lilith.
Hunter (car c’est son vrai nom) reprend donc vie grâce à un rituel mené par Docteur Strange et rejoint la bataille aux côtés des Suns et de quelques Avengers iconiques, dont Captain Marvel ou Iron Man, dans une époque dont il ne sait rien ou presque.
Ce parti pris de l’avatar inculte est en réalité une habile manœuvre pour permettre au joueur innocent et néophyte de l’univers (la véritable cible du titre, ne nous voilons pas la face) de découvrir les personnages des Midnight Suns, leur passé et les différentes aventures auxquelles ils ont déjà pu prendre part dans l’univers étendu des comics Marvel.
En effet, chaque bataille commence et se finit invariablement à l’Abbaye, le quartier général des Suns, protégé par quelque ancien sortilège des manigances de Lilith. Au cours de ces phases vous aurez ainsi la possibilité de crafter de nouvelles compétences pour vos héros, de les faire évoluer, d’acheter des éléments cosmétiques ou encore d’engager la discussion, via des phases ressemblant étrangement à un genre de Dating Sims pour super-héros, avec l’un de vos alliés afin de renforcer votre niveau d’amitié et obtenir des améliorations spécifiques en combat.
Lors de ces discussions, certains choix vous permettront, de faire pencher votre personnage du coté du bien ou du mal. Si l’impact de ces choix sur le scénario reste relativement anecdotique, ils vous permettront toutefois de débloquer de nouvelles compétences pour Hunter, et donc de personnaliser son style de combat : le gentil étant évidemment un sacro-saint support et le méchant, un DPS de l’enfer dont la puissance affectera parfois négativement ses alliés.
En parallèle, Hunter aura la possibilité d’explorer l’Abbaye et ses alentours ce qui lui permettra d’accéder à des énigmes ou à certains défis, imposer par les anciens dieux rivaux de Chthon, pour débloquer de nouvelles compétences ou tout simplement en apprendre plus sur Lilith et ses relations avec les fondateurs des Midnight Suns.
Fulguro-carte dans les dents
Mais trêve de palabre, passons au vif du sujet : la bagarre, la castagne, la grosse tape ! Depuis la war-room de l’Abbaye, vous aurez la possibilité de choisir une des nombreuses missions proposées par la jeu, qu’il s’agisse d’une quête principale ou secondaire.
S’ensuit ensuite la formation de votre équipe, composée de trois héros sélectionnables parmi le roster développé du jeu (une quinzaine de champions, dont le Hunter, tous disposant d’un style de combat spécifique).
Chaque affrontement vous demandera en général d’utiliser un héros obligatoire, laissant ainsi la possibilité d’explorer et de tester chaque style de combat : préférerez vous les gros coups de genou dans les gencives de Carol Danvers a.k.a Captain Marvel ou êtes vous plus du genre à maudire vos ennemis et renforcer vos alliés comme Nico Minoru a.k.a…. Nico Minoru ?
Quoi qu’il en soit, votre fine équipe prendra ensuite la direction du champ de bataille, dont le temps de chargement est habilement masqué par une petite cinématique de marche au ralenti, les justaucorps au vent, sur fond de cuivres épique à vous en coller des frissons (on regrettera là encore la qualité graphique globale un poil triste par rapport au potentiel épique de la situation).
Arrivé sur le champ de bataille, un rapide briefing vous explique l’objectif (casser du méchant, casser un camion, sécuriser un objectif en cassant du méchant, …) avant de vous donner la main et c’est là que les choses deviennent intéressantes. Car Marvel’s Midnight Suns n’est pas un tactical classique à la X-COM, tel que précisé un peu plus haut, c’est en réalité un jeu de deckbuilding.
Chaque héros a ainsi à sa disposition un deck de 8 cartes, réparties entre trois styles de compétence : les attaques, les buffs ou debuffs et les actions héroïques. Si l’effet des deux premières est plutôt explicite, la troisième est un peu plus particulière car elle nécessite de consommer des points d’héroïsme, une ressource qui s’accumule en utilisant les deux autres types de compétences.
Souvent très puissantes, les actions héroïques demandent toutefois d’équilibrer correctement son jeu en fonction du style de combat de chaque héros, afin de pouvoir garantir quelques combos bien sentis à chaque tour. En parlant de tour, ces derniers sont définis par le nombre de cartes que vous pourrez jouer, en général trois quel que soit le héros utilisé, avant que les ennemis n’attaquent.
Des petites subtilités, comme les cartes avec l’effet « Rapide », permettent d’outrepasser cette limite mais sa présence impose de fait une réflexion nécessaire dans l’ordre d’utilisation, certains héros étant plus spécialisés dans l’accumulation de points d’héroïsme ou dans le fait de piocher plus de cartes plutôt que de faire des dégâts.
D’autant qu’en fonction de la carte utilisée, votre héros devra se déplacer ou non sur le terrain pour effectuer l’action demandée : le fouet du Hunter dispose d’une portée impressionnante mais Captain Marvel aura besoin de se rapprocher un peu avant de pouvoir écraser gracieusement son genou dans la face du soldat le plus proche.
Ces déplacements sont automatiques mais impactent drastiquement les possibilités de vos héros d’interagir avec l’environnement. Nous parlions de décors destructibles et en effet, une grande partie du mobilier urbain et des éléments de décor présents sur le terrain peut être utilisée pour fracasser du nazi zombie. Ces actions, qui ne consomment pas d’utilisation de carte et permettent souvent d’infliger des dégâts faramineux, requièrent toutefois des points d’héroïsme et demandent, pour la plupart, à ce que votre héros soit positionné correctement pour pouvoir effectuer une fantastique pirouette en triple chandelle avant d’assener un Mawashi-geri des familles à vos adversaires.
Vous disposerez à chaque tour d’un mouvement gratuit pour positionner correctement l’un de vos personnages mais si votre objectif est de finir le combat le plus vite possible pour viser les 3 étoiles, il vous faudra penser précisément chacune de ces utilisations.
En termes de difficulté, Marvel’s Midnight Suns se laisse allègrement dompter en mode normal, sans pour autant céder trop de terrain, mais augmente drastiquement le défi dès le mode difficile, proposant plusieurs paliers de difficulté pour offrir à chaque joueur la meilleure expérience possible.
En conclusion, il aurait été très facile pour Firaxis de faire de ses Soleils de Minuit une pâle copie de ses succès passés, enterrant ainsi le titre dans la masse des jeux de super héros sans âme développé par les géants de l’industrie au nom du profit et de la lucrativité de certaines licence. En intégrant à ses mécaniques de jeu le plaisir inhérent au patatage de méchants et en proposant une expérience alliant réflexion et ludisme, le studio signe ici une petite réussite prouvant qu’il n’est pas nécessaire d’imposer aux super héros un simple jeu d’action pour les faire briller.