Si je vous parle de Dungeon & Dragon, de flagelleur mental, et de nostalgie de jeunesse, vous allez évidement me répondre Stranger Things !!! Et pourtant non, je vous parle de la sortie phare de la fin d’année 2023 sur Xbox, après son succès monumental sur PC et PS5 quelques mois plus tôt, et bien sûr son titre de Goty 2023 remporté aux Games Awards 2023 (en vrai c’est Alan Wake 2 mais chut).
Pour ma part, Baldur’s Gate m’évoque surtout une époque révolue où les premiers titres étaient sortis sur PC, dans une période phare du jeu vidéo PC, et où la licence était souvent en compétition avec des titres comme Fallout, Diablo & Icewind Dale (les deux premiers titres de ces licences étant sorties dans des dates proches), dans des genres parfois un peu différent, mais dans lequel chacun cherchait à prendre une place importante dans ce monde vidéoludique émergeant de JDR PC. Reste que Fallout & Diablo ont continué à perdurer au fil des années, et Baldur’s Gate s’est éparpillé dans des spins offs avec un gameplay différent et un intérêt moindre par le public PC. Il a fallu attendre la sortie de Neverwinter Nights 1&2 (et les extensions) pour pouvoir retrouver le gameplay typique basé sur les règles de D&D, dans deux excellents jeux en 3D développés par les créateurs de Baldur’s Gate. Vint ensuite une période bien plus calme après 2009, avec un remaster des deux premiers Baldur’s Gate, qui n’apportaient rien de plus, et qui démontraient aussi une période un peu révolue côté gameplay.
Il fallait du renouveau et de la modernité à la formule Baldur’s Gate, et c’est du côté du studio Belge Larian Studios qu’il est arrivé. Pour ma part, le studio était assez inconnu dans mes tablettes, et j’ai découvert en faisant mes petites recherches qu’ils avaient développés la série de jeu « Divinity » que je n’ai pas eu l’occasion de tester malgré avoir vu passer les titres dans les rayonnages, sûrement par faute de temps. Le moteur du jeu de Baldur’s Gate III étant d’ailleurs une évolution du moteur de Divinity : Original Sin 2, ce qui ne devrait pas surprendre les habitués de ce jeu.
Un plaisir pour les rôlistes
Baldur’s Gate III a quelque chose de magique pour tous ceux qui ont déjà eu l’occasion de pratiquer du jeu de rôle en dehors du jeu vidéo, je parle par exemple des jeux de table avec figurines façon Warhammer, pour lesquels le jeu emprunte beaucoup dans son gameplay, lors des combats, mais aussi dans des jeux de rôles plus axé papier, dans les dialogues et certaines actions comme l’ouverture d’un coffre, ou le désamorçage d’un piège pour lesquels les caractéristiques et compétences de vos personnages vont souvent influencer les résultats. Il ne sera pas rare de devoir sortir d’ailleurs les bons vieux D20 (dé à 20 faces) pour réussir ce genre d’épreuves, avec des bonus ou malus qui vont changer le résultat final. D’une autre manière, vous aurez souvent également des messages tout au long du jeu, pendant le déplacement de vos personnages, ou dans les dialogues, où l’on vous indiquera par exemple « test de perception raté ou réussi » avec un petit bruit de dé qui roule, vous indiquant un point d’intérêt ou un danger proche.
Les combats ne sont pas en reste donc, et avec les multiples classes et compétences que peut avoir votre groupe de personnages, il faudra également bien anticiper chacun de vos déplacements, pour tenir compte de la distance possible pour pouvoir lancer un sort, ou attaquer au corps à corps. N’hésitez pas à être observateur en tout cas, car il existe différents moyens de mettre un terme à certains combats, comme de lancer un sort d’électricité dans des personnages ayant les pieds dans l’eau, ou en les poussant dans le vide, au risque de perdre le précieux butin qu’ils avaient dans leurs poches. Certaines attaques ou magie auront également une zone d’effet, qu’elle soit circulaire, ou conique par exemple. On a parfois l’impression de déplacer nos figurines à la main en sortant les règles et gabarits pour déterminer les figurines ennemies touchées, les connaisseurs sauront de quoi je parle. Certes, rien d’une révolution, et ce sont bien là les codes des tactical RPG, que l’on retrouve dans des séries comme X-Com par exemple, mais l’univers de Dungeon & Dragon, me fait immanquablement penser à cela.
Un jeu complet, très complet
La série de jeux Baldur’s Gate n’a jamais été avare en contenu et en heures de jeux, et BGIII n’est pas en reste sur ce point, que ce soit dans la multitude de possibilité dans la création de votre personnage principal, jusqu’au nombre de quêtes annexes et de territoires à explorer, tout est fait pour que vous y passiez des heures et des heures. Il n’est pas rare de commencer une quête secondaire, qui finalement reste imbriquée dans la principale, pour en croiser une autre en parallèle, et qui vous fera parfois faire un détour pendant une dizaine d’heures sans vous en rendre compte. Sans parler des combats qui vont vous demander du fil à retordre et pouvant dépasser la dizaine de minutes sans peine, et qui devront parfois être recommencé suite à un échec, ou la mort d’un PNJ important. Pour ma part, je réalise le test avec + de 45 heures de jeu au compteur, info donnée par ma dernière sauvegarde, et pourtant je suis certain d’en avoir passé au moins une dizaine de plus, à refaire certains combats avec une issue non favorable, voire une mort certaine.
L’écriture de chaque personnage est vraiment très travaillée, et hormis votre personnage principal, les autres que vous rencontrez en chemin et que vous pouvez recruter pour rejoindre l’équipe ont un background toujours intéressant, et qui donne accès à chaque fois à son lot de quêtes. De plus, cohabiter avec chacun de vos compagnons sera aussi autant de risque à prendre dans chaque décision, chaque dialogue du jeu. Votre comportement avec les autres PNJ, et même eux directement pourront influencer la façon dont ils vous voient, et peser sur la suite des événements, voir mettre fin prématurément à la partie avec un personnage qui peut détruire une grande partie du monde par exemple, et vous amenez sur les crédits de fins de manière abrupte et prématurée (mais avec un trophée vous indiquant que vous avez sauvé le reste du monde en passant). Il est d’ailleurs assez difficile de savoir jusqu’à la fin quels sont les personnages qui vont nous emmener vers la « meilleure » fin, et il sera quasi obligatoire de refaire le jeu plusieurs fois pour profiter de la richesse du récit.
Pendant les combats, la mort de vos personnages n’est quasiment jamais définitive, et un sort ou un parchemin de résurrection vous permettra de les réanimer rapidement. Vous pouvez également les ressusciter auprès d’un personnage qui s’ajoutera à votre camp de base en cours de partie. Cependant, la solution de laisser vos personnages mourir existe, et même si je ne le recommande pas, vous avez également la possibilité de les remplacer par des mercenaires lambda, moyennant quelques piécettes pour les recruter. Même si le jeu vous averti, vous pouvez même vous permettre de faire tout le jeu (ou presque car certaines quêtes vous imposent un personnage pour une courte durée) avec votre seul et unique personnage de départ, combats compris, mais avec une difficulté probablement énorme.
RPG oblige, vos personnages auront leur jauge de vie, et vous devrez la surveiller en permanence au risque de perdre un tour ou deux à ressusciter un personnage sans qu’il puisse effectuer d’actions dans l’immédiat. Diverses potions et sorts sont la pour vous aider pendant ou en dehors des combats, même s’ils restent en faible quantité dans le jeu, ou à usage limité. D’ailleurs il est fortement recommandé de se soigner régulièrement après un combat avec une possibilité de faire une pause ultra rapide utilisable deux fois pour recharger partiellement votre vie. Mais la meilleure solution reste le repos total dans votre camp, permettant d’ailleurs d’échanger un peu plus longuement et intimement avec vos autres personnages, mais aussi de recharger complètement votre vie, les charges de pauses rapides et surtout vos emplacements de sorts magiques, qui sont assez limités. Il vaut mieux ne pas entamer un combat avec ceux ci épuisés, au risque d’avoir des mages ou sorciers quasiment inutiles.
Il est difficile de vous parler du scénario du jeu sans vous spoiler, et d’autant plus avec la multitude de quêtes disponibles qui ne seront pas forcément vécues par tous les joueurs, mais sachez que l’histoire est forte en surprise et en rebondissement, et que vous pourrez très bien choisir de suivre le côté obscur et terminer le jeu avec une fin terrible pour le monde de Baldur’s Gate, avec un sourire sadique aux lèvres. L’ensemble reste dans tous les cas un plaisir à parcourir, et ne manquera pas de marquer les fans des jeux précédents, avec de nombreux clins d’œil, personnages, et lieux iconiques déjà présents dans la série. (À noter que Neverwinter s’appelle Padhiver dans la vf 😉 )
Voici d’ailleurs un petit aperçu du jeu en vidéo, avec la même situation qui peut se terminer de deux manières différentes :
Manette en main, qu’est ce que ca donne ?
Mes meilleurs souvenirs de ce genre de jeu étant sur PC, je restais un peu craintif de l’adaptation des contrôles sur une manette forcément restreinte par son nombre de touches. Même si tout n’est pas parfait, l’intérêt d’être dans un jeu en full 3D permet déjà d’avoir une facilité de déplacement, grace au stick de la manette, de notre personnage principal, ou même en basculant sur un autre membre de l’équipe. Les gâchettes sont soumises à rude épreuve car elles auront la charge de vous donner accès à des menus sous formes de roues, pour accéder à la plupart des fonctionnalités telles que l’inventaire, le journal des quêtes, la préparation des potions et autres onguents, etc… Elles serviront aussi à afficher les actions pendant un combat, et c’est la que ca devient un peu plus compliqué. Au début du jeu, vos personnages les plus simples auront une ou deux roues d’actions, comportant une attaque au corps à corps ou à distance, le sprint, un saut, un lancer d’objet, et quelques autres actions de base. Mais vous aurez bien vite, bien plus d’actions possible au fil de la montée de niveau, d’autant plus avec les magiciens et leurs nombreux emplacements de sorts, qui augmentent à chaque niveau évidement. A cela va s’ajouter tous les objets ramassés, et du coup présents dans l’inventaire et utilisables en tant que consommables, ou sorts supplémentaire comme pour les parchemins. Il ne sera du coup pas rare d’avoir un joli bazar avec 7-8 voire 10 roues d’actions, sur lesquelles vous devrez basculer en appuyant sur les gâchettes, et qui vous feront perdre un temps relativement marquant. Alors certes, les développeurs ont évidement pensé à cette situation, et vous permettre de modifier chaque emplacement de roue, pour réorganiser, ajouter ou enlever des actions, mais il faudra du coup le faire régulièrement, car chaque nouvel objet que vous n’aviez pas auparavant en double dans votre inventaire, va à nouveau ajouter une action dans la liste. On s’en sort malgré tout, et ce n’est pas complètement rébarbatif, mais on voit quand même que la version PC sera la mieux organisée sur ce point avec un menu bien différent, rien que sur l’organisation des sorts selon leurs niveaux de puissance, chose qui manque cruellement à la version console.
Pour ce qui est des actions avec votre environnement, vous pouvez mettre en valeur les objets aux alentours en appuyant sur un des sticks de la manette. C’est certes nécessaire, mais il faut rester appuyer pour que cela reste visible. Dommage que l’on ne puisse pas basculer en permanence sur une vision complète, ou en tout cas qu’un appuie active ou désactive la fonctionnalité. Baldur’s Gate regorge d’ailleurs d’éléments à fouiller, placard, coffres, armoires, tonneaux, sac à dos, et j’en passe. Et sans souris, c’est forcément un peu plus compliqué, il y a donc la possibilité de basculer entre chaque élément avec la manette, ce qui peut prendre parfois un peu de temps, surtout quand on passe à côté d’une table remplie de couverts et de victuailles. De la même manière pendant les combats, vous pourrez cibler vos adversaires à la main en déplaçant le curseur avec le stick, mais vous pourrez aussi basculer d’un adversaire à un autre, ce qui dans ce cas est plus intéressant, surtout avec des ennemis parfois caché dans une partie du décor difficilement accessible avec la caméra. Comme quoi, il a fallu faire des compromis par rapport aux contrôles clavier, et certains sont bénéfiques et d’autres plus compliqués à mettre en place mais sont dans tous les cas nécessaires.
Il y a eu certes quelques passages, ou l’action que je voulais faire n’a pas été la bonne, comme ramasser un objet et lancer une discussion avec un personnage un peu trop proche, ou effectuer un saut, ou une attaque dans le vide pendant un combat car j’ai oublié d’annuler l’action en cours. Bref, rien d’insurmontable, et le tour de force est quand même présent, on arrive à s’en sortir dans la plupart des situations avec un petit temps d’adaptation au début.
Une technique presque parfaite
Côté sonore, les musiques et autres bruitages sont de qualité et les doubleurs voix (en anglais uniquement) y mettent tout leur cœur en créant un monde et des personnages cohérents et réalistes. Entre les nains râleurs, les démons surpuissants, les nymphes hypnotiques, et les magiciens qui hurlent le nom de leur sort à la manière d’un Gandalf se battant contre un Balrog enragé, on est vraiment plongé dans cet univers de D&D d’une belle manière.
Visuellement parlant, le jeu n’est pas en reste, et nous propose des environnements riches et très variés, nous faisant voyager jusqu’à la porte de Baldur en traversant des zones toutes différentes. Les diverses zones et bâtiments que l’on peut explorer nous sont accessibles par le biais d’une caméra « libre » qui reste centrée sur notre personnage principal mais qui permet de voir la plupart du temps les alentours sans grosse difficulté, avec une partie des décors qui disparaisse quand cela est nécessaire. Les combats sont également riches en explosions, boules d’énergie, pluies de grêles, arcs électriques, et autres joyeusetés magiques qui mettent un sacré bordel sur le champ de bataille, avec une partie des éléments de décors parfois destructibles (et explosifs – be careful :). On ressent bien la puissance des deux côtés de la balance, et c’est un plaisir pour les yeux.
Côté lisibilité dans le jeu, ca reste un peu plus compliqué, surtout dans les menus du jeu, l’inventaire est très vite assez rempli, et il est parfois compliqué de s’y retrouver, même de comparer des objets avec beaucoup trop d’informations sur des objets légendaires qui apparaissent bien petits parfois, par exemple. Idem pour la carte du jeu, pas forcément très lisible, sans même compter la mini carte en haut à droite quasi inutile, avec les points cardinaux indiqués bien trop petit pour s’orienter facilement, surtout à distance de nos écrans plats. Je regrette aussi un peu de ne pas avoir sur la carte des infos sur les marchands pour pouvoir revendre une partie de son inventaire ou acheter des potions de vies, car même si l’on peut marchander avec la plupart des PNJ, rare sont ceux qui ont suffisamment les moyens pour acheter notre barda inutile.
La sortie de la version Xbox à d’ailleurs été retardée du fait des deux versions de Xbox Series, pour permettre d’optimiser la version Series S. Ayant testé le jeu sur Series X, je n’ai pas rencontre de problèmes particuliers hormis cependant quelques plantages récurrents sur le jeu après une mise en veille, probablement due à une optimisation nécessaire du côté de la fonctionnalité quick resume de Microsoft pour ce jeu. Le système de sauvegarde est aussi un peu particulier, car on peut sauvegarder à presque n’importe quel moment dans le jeu, mais aussi dans le cloud, ce qui impose une double sauvegarde à chaque fois. Pas forcément gênant, mais il faut bien atteindre que la seconde soit réalisée avant de quitter le jeu, sous peine d’avoir des problèmes par la suite.
Il reste également parfois quelques pauses et lenteurs pour terminer un combat une fois les ennemis vaincus, voire même en plein combat, dues à des calculs forcément poussés pour toutes les possibilités en jeu. On retrouve ce genre de comportement dans d’autres tacticals d’ailleurs, sur les x-com d’ailleurs encore une fois.
Ce n’est qu’un Au Revoir
Il y a des jeux comme ca, qui vienne imposer leur grandeur, sans qu’on les attende vraiment depuis de si longues années sans nouvelles. Pour moi Baldur’s Gate se terminait après le 2, et je ne me serais jamais attendu au retour en grâce de la série, encore moins par le biais d’un 3iéme opus avec de grandes qualités. Que cela soit côté narratif, chose qui évidement était le point à ne pas louper au vu des antécédents, et surtout avec un gameplay plus dynamique remis au gout du jour sans pour autant dénaturer ce tour par tour si cher à la série d’origine. Vous embarquer dans BGIII, c’est partir en voyage pendant de nombreuses dizaines d’heures dans l’univers de Dungeon & Dragons, avec l’assurance d’un séjour inoubliable pour les fans du genre. Pour les novices, il va falloir sûrement quelques efforts pour maîtriser les combats qui s’avérent parfois assez difficiles si on ne s’y prépare pas correctement, malgré les différents niveaux de difficultés disponibles qui permettront de rendre la tache moins ardue. La version Xbox Series X reste un bon choix pour profiter du jeu, même si le gameplay à la manette a nécessité quelques concessions qui mériteraient quelques améliorations dans le futur, mais cela reste un détail. Globalement Baldur’s Gate III reste un grand jeu avec des possibilités qui vous feront vivre une histoire presque différente à chacun selon vos choix et décisions.