La classe américaine, OSS 117 ou plus récemment The Artist, Michel Hazanavicius avait habitué son public à un cinéma à la fois léger, efficace et conceptuel. Pour cette fin d’année, le cinéaste nous revient avec toujours beaucoup d’audace, mais moins de fantaisie en proposant The Search, une immersion au cœur de la seconde guerre de Tchétchénie. Très controversé à Cannes, sujet à quelques critiques assez (trop ?) sévères, le film a fait l’objet d’une version “director’s cut” pour sa sortie en salle le 23 Novembre. Toujours très dur, ne serait-ce que par le thème, ce format de l’oeuvre m’a personnellement convaincu.
Oscars, Césars, Golden Globes et j’en passe, la reconnaissance internationale de The Artist implique nécessairement beaucoup d’attente envers le réalisateur. Mais c’est sur un terrain relativement surprenant qu’il s’aventure avec The Search. En effet, loin des rires de ses travaux précédents, le film est un libre remake du The Search de Fred Zinneman (Les anges marqués) et nous relate les parcours croisés de 4 personnes confrontées au quotidien de la guerre opposant Russie et Tchétchénie en 1999. Un climat en somme tendu et dramatique, dans lequel le spectateur est réellement plongé grâce à une non narration proche du documentaire contemplatif, qui pourrait rappeler la très bonne émission strip-tease.
Nous avons tous une idée de ce que peut être la guerre d’après les livres, la télévision et autres médias. Ici, elle est présentée de l’intérieur, par ceux qui la vivent, ou la subissent. Pas par des héros, mais des gens ordinaires et de ce fait une forme d’empathie s’impose naturellement. Un sentiment d’authenticité se dégage, pour beaucoup du aux comédiens (pas seulement les principaux), la plus part non professionnels et issus de la Caucasse. Tous sont criants de vérité, il en est possible de croire par moment que ces moments ont vraiment été vécus par les protagonistes. En particulier concernant le rôle d’Hadji, le petit garçon dont l’attitude et le regard sont tout simplement troublants. J’ignore ce que cet enfant a pu vivre pour dégager toute cette crainte à son âge, il mérite en tout cas une mention spéciale.
A cela s’ajoute le choix de la bande son de Michel Hazanavicius tant pour les dialogues que pour l’ambiance. Les premiers sont tous en versions originales: soit un mélange de russe, anglais et français. Tous les personnages ne sont pas en mesure de communiquer, nous même spectateurs ne sommes pas invités à comprendre tout ce qui est échangé, et cela, vraiment, joue fortement en faveur de la crédibilité. Quant à la musique, la bande originale, il n’y en a pas. Tous les instants sont à vivre tel-quel, les émotions (nombreuses!) sont ressenties brutes, sans accompagnement et sans guide. On obtient en quelques sortes un film « bio » comme s’en amuse le réalisateur. Une formule particulièrement efficace qui permet d’oublier totalement être en train de regarder un long métrage de 2h15, au profit d’un plongeon en plein conflit russo-tchétchène.
Sortie en salle le 26 novembre 2014.