Nous le savons, l’éditeur québécois Le Scorpion Masqué aime les jeux originaux et sortant des sentiers battus (coucou Decrypto). Et malgré ça, nous n’étions absolument pas prêts pour l’énorme coup de fraîcheur déductive que Turing Machine allait apporter sur notre table de jeux. Découverte d’un véritable objet ludique non identifié…
Petite minute culture. Le titre de Turing Machine est un hommage appuyé à Alan Turing, le brillant mathématicien et cryptologue britannique qui a (entre autres) grandement contribué au décryptage d’Enigma, la machine de communication utilisée par les nazis lors de la seconde guerre mondiale.
Car oui, dans Turing Machine, il s’agira avant tout (et avant tout le monde) de trouver le bon code !
Une (ma)thématique pour le moins originale !
C’est en effet là tout l’enjeu du jeu et ne le cachons pas, nous avons d’abord levé un sourcil intrigué à son évocation. Trouver un code à grands renforts de déductions tout en interrogeant une machine centrale était autant un pitch prometteur qu’un terrain âprement casse-gueule. Cela allait-il fonctionner en jeu de société ? Spoiler alert : oui. Et même très bien.
Mais n’allons pas trop vite. Avant de vous donner notre sentiment, tentons d’abord de vous familiariser avec le concept du jeu. Au centre de la table se trouve donc une « machine », c’est-à-dire un certain nombre de cartes critères. Lors de chaque manche, vous allez composer un code de trois chiffres (allant chacun de 1 à 5) et le soumettre à trois des cartes critères présentes.
Prenons un exemple (ce qui sera plus simple pour votre bonne compréhension). Vous composez le code 145 et vous interrogez une carte critère qui vérifie le nombre de chiffres pairs dans le code. Si la carte valide votre code, vous pouvez donc en déduire que le code secret comporte un chiffre pair sur les trois (puisque le code que vous avez soumis en comportait un seul et a été validé). Mais attention, cela ne veut pas dire que le chiffre pair en question est 4. Ce pourrait en effet être un 2 (et allez savoir s’il s’agit du premier, du second ou du troisième chiffre du code secret).
Elémentaire mon cher Alan
Vous suivez toujours ? Non ? Pas d’inquiétude, le jeu peut sembler un poil compliqué expliqué comme ça mais il est en réalité très simple et très fluide. Il ne suffit en effet que de quelques tours de jeu pour que tout devienne limpide. Très vite, on comprend le système de déduction en cascade et on se surprend à mordiller le bout de son crayon en marmonnant « mais alors, si je sais que le premier chiffre est 4, qu’il n’y a qu’un seul trois dans le code et que le dernier chiffre est supérieur au premier, ça veut dire que… ». Bref, on essaie, on déduit, on réessaie, on redéduit et finalement, non sans fierté, on annonce avoir réussi à craquer le code !
C’est d’ailleurs tout l’intérêt du jeu. La machine centrale ne fait que vérifier des critères au regard des codes qui lui sont soumis. Jamais la machine ne validera votre code en vous disant « bravo Bernard, les deux derniers chiffres sont en effet 5 et 2 ». Non, tout sera question de déduction et uniquement de déduction. Voilà qui ravira les amateurs de problèmes à tiroir et d’énigmes mathématiques.
Le génie de la création allié à la création de génies
Mais alors, Turing Machine, on valide ou pas ? Eh bien oui, on valide et pour plein de raisons. Déjà, le jeu brille par son originalité. De tous les jeux auxquels il nous a été donné de jouer (c’est-à-dire beaucoup), aucun n’y ressemble et Turing Machine vient donc bousculer les codes (pourtant bien établis) de notre ludothèque. Ensuite, pour le génie intrinsèque qui se cache derrière sa création. Il suffit d’une seule partie pour prendre conscience du travail titanesque que la conception du jeu a dû représenter. La boîte comporte vingt énigmes mais plus de 7 millions d’autres sont déjà disponibles sur le net. Et pour chacune, la combinaison des cartes critères ne donne qu’un seul résultat possible. Tout simplement vertigineux. Enfin, pour son matériel absolument dément. N’allez pas comprendre par là que la boîte déborde ou qu’elle fournit un matos ultra-précieux. Non, c’est à nouveau par l’ingéniosité de sa conception que le jeu détonne (n’est-ce pas les cartes préforées qui en dépit des très nombreuses possibilités ne vous donnent qu’une seule réponse par critère ?).
Cela dit, Turing Machine est peut-être un faux jeu compétitif. Bien sûr, le but initial est de réussir à déchiffrer le code en premier et le fait que les joueurs interrogent simultanément la machine induit dans le jeu autant de rythme que d’algorithmes. Pourtant, il s’apparente davantage à un jeu solo auquel on peut jouer à plusieurs autour de la même table. Ce qu’il faut comprendre par-là, c’est qu’avec Turing Machine vous vous lancerez avant tout un défi à vous-même. Le sel du jeu réside en effet dans la capacité à découvrir le code bien plus que dans la rapidité à le faire. Pour nous, ce n’est d’ailleurs pas une mauvaise chose (au contraire) puisqu’il est un jeu que l’on sortira à l’occasion entre amis pour (re)tester nos capacités déductives (en coop ou en compétitif) mais aussi un jeu que l’on prendra plaisir à sortir seul pour se confronter à la machine. Ils ne sont pas nombreux dans cette catégorie et c’est donc assez rare que pour être souligné.
Bref, Turing Machine est une superbe découverte qui saura plaire à tous les amateurs d’énigmes logiques et de défis mathématiques.
Et en conclusion, parce qu’on ne perd jamais rien à être un peu plus malin (ce à quoi vous encourage d’ailleurs le jeu), n’hésitez pas à vous rendre ici pour en apprendre un peu plus sur la passionnante (mais aussi très triste) histoire d’Alan Turing.
Turing Machine, un jeu de Fabien Gridel et Yoann Levet, édité par Le Scorpion Masqué et distribué par Asmodée.
Nombre de joueurs : 1 à 4
Âge : dès 10 ans
Durée moyenne d’une partie : entre 30 et 60minutes
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Crédit photos : Randolph (Canada)