Le voile des apparences est un roman policier paranormal de Natacha Calestrémé, publié chez Albin Michel. Elle est l’auteure du Testament des abeilles, cité plusieurs fois dans le livre qui semble reprendre les mêmes personnages.
Major à la Police Judiciaire, Yoann Clivel est au bord de la dépression après avoir assisté à la mort de sa collègue qui a fait ressurgir en lui l’événement dramatique qu’il porte depuis plusieurs années, le meurtre de son père. Rongé par le remord, il décide de consulter un psychiatre. Dans la salle d’attente, il fait la connaissance d’un couple dont leur fils atteint d’autisme, mais jugé schizophrène, est interné depuis plusieurs années, car la seule façon qu’il a de communiquer est de transmettre les messages de l’au-delà qu’il reçoit par le biais de l’écriture automatique.
Ce thriller haletant nous amène à prendre conscience de ce fil ténu qui sépare la folie de la perception, car le cumul entre l’autisme et la médiumnité étant un phénomène plutôt méconnu, voire même rejeté, certains médecins ont vite fait d’interner ces personnes qui ne correspondent pas à la normalité imposée en leur diagnostiquant d’emblée une schizophrénie. Ce livre m’a passionnée, car Natacha Calestrémé, à travers ce roman basé sur des faits réels*, aborde ce sujet avec beaucoup de rigueur et d’efficacité.
Voici un extrait du livre de Natacha Calestrémé qui m’a fait penser au livre « Trente ans parmi les morts » du psychiatre Carl Wickland, dont les mémoires datent de 1924, dans lequel il disait également que « la plupart des internés sont des médiums potentiels dont la médiumnité pourrait être développée » :
« Comment différencier les voix qu’entendait un schizophrène d’un médium qui recevait des messages de l’au-delà ? Dans le cas d’une schizophrénie, les délires n’étaient pas structurés, on constatait des invraisemblances et la personne finissait par s’exclure de la vie en société. Dans le deuxième cas, il ne s’agissait pas d’une pathologie, mais d’une aptitude. Malgré ses perceptions, la personne restait psychiquement saine et parfaitement intégrée dans la société. Un mari, des enfants, un métier. Il existait tant de cas que ces expériences représentaient une réalité statistique. Adhérer sans recul n’était pas souhaitable, mais tout nier en bloc n’était pas la solution. Il fallait aider la personne à communiquer et à entrer dans la “normalité”. La difficulté venait du fait que ces phénomènes étaient difficiles à mesurer car non reproductibles. Et comme nous vivions dans un contexte où ce genre de perceptions étaient classées d’emblée comme le signe d’une pathologie… cela n’incitait pas les témoins de ces phénomènes à les partager. Par ailleurs, cela expliquait pourquoi tant de médiums étaient enfermés dans des hôpitaux psychiatriques ».
En fait, ce texte tire son épingle du jeu par son côté paranormal. En effet, Yoann va s’appuyer sur deux enfants pour mener ses enquêtes : le fils de sa compagne, qui exprime des choses qu’il n’est pas censé connaître dans son langage d’enfant et un adolescent autiste qui pratique l’écriture automatique. A travers ses mots, c’est une femme qui parle, semblant indiquer qu’elle a été assassinée. Qui est-elle ? Que s’est-il passé ?
L’auteure y aborde aussi un thème difficile : l’autisme et sa prise en charge. Il est vrai que l’autisme est une maladie mal connue et encore souvent mal abordée par les médecins. Ici elle dénonce cette « médicalisation » de la prise en charge. Au lieu d’essayer de comprendre, de s’adapter, on place les autistes sous camisole chimique et mets toi dans le coin là bas et que je ne te vois plus, toi que je suis incapable d’aider… Elle dénonce aussi comment on culpabilise les parents qui la plupart du temps ne sont pour rien dans l’état de leur enfant. Tout ce qu’on peut dire c’est que le chemin sera long, et les mentalités difficiles à changer ! Elle intègre parfaitement son propos au roman.