Après nous avoir renvoyés à nos origines avec le joyeusement décalé Krom puis nous avoir rendus complètement d’aimants déments avec Kluster, voilà que Borderline Editions choisit de nous expédier derrière les barreaux ! Rien de moins ! Mais rassurez-vous, plutôt qu’une vie au mitard, on vise un tunnel à la cuillère…
Dans la cour de la promenade, vous observez d’un œil attentif les différents détenus qui tentent de se débarrasser discrètement de la terre qui encombre les poches de leur combinaison orange. Comme vous, ceux-là creusent un tunnel depuis leur cellule et ils sont donc autant de concurrents dans la course à l’évasion. Vous ne vous faites en effet aucune illusion, aussi bêtes (et méchants) soient les garde-chiourmes qui pullulent en ces lieux, le premier évadé par tunnel sera aussi le dernier. Dès que celui-là aura respiré l’air libre, l’alarme retentira, les cellules seront fouillées et tous ceux qui se seraient découverts une âme de mineur de fond seront envoyés au mitard pour y être oubliés. D’un doigt nerveux, vous faites rouler une cigarette entre vos doigts. Vous mourrez d’envie de l’allumer mais vous vous l’interdisez. La nicotine qu’elle contient est de haute-valeur ici et elle pourrait peut-être même vous permettre d’acheter une brosse-à-dents déjà affûtée au gros Mick.
Comme La Grande Evasion mais dans sa version gangs des rues
Dans Dig Your Way Out, chaque joueur va donc incarner un détenu épris de liberté et tenter d’obtenir avant ses collèguesdétenus un certain nombre de points de tunnel. Pour cela, il va devoir se procurer des outils en pérégrinant dans la prison, en achetant ou en vendant sous le manteau la combinaison orange quelques objets, en intégrant un gang (si, si), en rackettant autrui ou encore en volant des cuillères dans le réfectoire. Le tout, cela va sans dire et puisque la prison est un haut-lieu de courtoisie, en fomentant de crapuleux sales coups pour entraver la progression de ses petits camarades.
Dig Your Way Out, c’est tout l’univers carcéral imaginaire en version ludique (ce qu’on n’avait plus vu depuis Zombicide Prison Outbreak et c’était dans un tout autre registre). L’originalité du thème fait d’ailleurs du bien car elle nous sort des carcans habituels que l’on retrouve dans bon nombre de jeux de société. Pour autant, ce n’est pas un thème facile à aborder et l’auteur, David Simide, lui a conféré un petit côté décalé et caricatural qui fait mouche. Et puis, si le thème séduit, c’est aussi car la mise en ambiance qui l’entoure est parfaitement réussie. L’aspect un peu dark du plateau et (surtout) les superbes illustrations de The Mico collent parfaitement à l’esprit du jeu. Dès les premiers lancers de dés, on se prend véritablement au jeu, en imaginant déjà quel serait le meilleur gang pour nous, en envisageant (déjà aussi) de racketter ses adversaires et en planifiant soigneusement ses déplacements au cœur de l’hostilité ambiante.
Pas de pardon dans la zonzon
Tout amateur le sait, un thème original et bien rendu ne suffit pas à faire d’un jeu un bon jeu (même s’il y participe). David Simide et Borderline Editions ont parfaitement évité cet écueil en créant une mécanique à la fois prenante et accessible. Si Dig Your Way Out se réserve à un public adulte, c’est en effet plus par sa thématique que par sa complexité. En lui-même, le jeu se prend en main assez rapidement et il s’agira surtout de faire preuve d’opportunisme pour réunir les bonnes cartes et réussir à les dépenser dans le confort (très relatif) de sa propre cellule. Pour autant, le jeu ne manque pas de piquant car il laisse la part belle aux interactions entre joueurs. En plus du traditionnel racket, et que ce soit par l’intermédiaire d’une carte action ou par la capacité spéciale du gang dont vous êtes membre, il vous sera toujours possible d’embêter (c’est le terme poli) vos adversaires. Bref, c’est un jeu où l’on multiplie les attaques sournoises à la fois dans la bonne humeur et au milieu des cris d’indignation. Qui a dit qu’on ne savait pas s’amuser en prison ?
En prison comme ailleurs, plus on est de fous (furieux), plus on rit. C’est aussi vrai dans Dig Your Way Out. Les interactions entre joueurs font que le jeu est plus savoureux à 4, 5 ou 6 joueurs qu’à 2 ou 3. Cela dit, pour contrebalancer ça, Dig Your Way Out contient une mini-extension nommée Michel et Michelle qui ajoute pas mal d’interactions lors des parties à deux ou trois joueurs. Dans celle-ci, un des Michels se balade dans la prison, toujours à l’affût d’un bon taulard à dépouiller. Simple et bien pensée, cette extension permettra à vos parties en duels de conserver la douce saveur d’une relaxe pour bonne conduite.
Enfin, pour conclure et car on sait que la question a traversé l’esprit de certains d’entre vous, oui, il existe une carte savonnette. Sur ce, on vous laisse car « J’ai pas le temps. Mon esprit glisse ailleurs… » (les vrais comprendront).
Dig Your Way Out, un jeu de David Simide, illustré par The Mico, édité par Borderline Editions et distribué en Belgique par Geronimo Games.
Nombre de joueurs : 2 à 6
Âge : dès 16 ans
Durée moyenne d’une partie : 45 minutes
Bravo pour cet excellent article… Je suis fan de cet éditeur depuis Krom et chaque fois c’est une belle réussite.