Il Boemo relate le parcours trop peu connu de Josef Mysliveček, compositeur fructueux du grand siècle musical : celui du XVIIIe siècle.
Eclipse discrète et réfléchie
Le grand mérite d’Il Boemo est de remettre en lumière un compositeur oublié aujourd’hui. Petr Václav opte pour une mise en scène sobre et réaliste, dans laquelle Vojtěch Dyk, qui joue Mysliveček, semble s’oublier. Il est peu expressif : nous sommes loin de toute représentation fiévreuse d’un compositeur asservi par son talent. Mysliveček est calme, réfléchi, ce qui l’oppose à ses conquêtes féminines, bien plus énergiques.
Étonnamment, on ressent une prise de recul du réalisateur, qui se traduit par un respect pour ce compositeur ambitieux. Ses déboires, accusés par les jeux d’argent, la maladie et le goût un peu trop prononcé de la chair, n’enlèvent en rien le génie sans cesse décrié durant le long-métrage. Par ce procédé de mise à distance, le film ne tombe pas dans le pathos.
Splendeurs et désirs sulfureux
Il Boemo met en avant l’appétit sexuel de Josef Mysliveček, qui lui ouvrira des portes prestigieuses autant que des problèmes de santé. Il Boemo montre surtout les femmes qui ont peuplé la vie du compositeur. Elles se succèdent les unes après les autres, disparaissent du film jusqu’à être oubliées lorsqu’elles reviennent pour une apparition succinte. Les partitions musicales de Mysliveček fusionnent avec ses partitions érotiques.
Par ailleurs, même si les gros plans dominent le long-métrage, celui-ci nous offre des vues splendides sur les quatre coins de l’Italie par ses grandes villes. Au XVIIIe siècle, l’Italie est la terre musicale par excellence, convoitée par tous les grands compositeurs européens.
Lenteurs et sentiment d’inachevé
Le long-métrage dure près de 2h30 et pourtant, nous restons sur notre faim. La clôture d’Il Boemo est inattendue car trop rapide, alors que le film s’étale sur des parcelles inutiles. Son ascension est fulgurante est peu expliquée, ses succès s’enchaînent sans qu’ils ne soient montrés (sauf quelques exceptions).
D’ailleurs, ces exceptions sont décevantes. Il y a bien la séquence d’introduction, qui se focalise sur une chanteuse magnifiquement expressive, en montage alterné avec la décadence de Josef Mysliveček. Mais à part elle, les séquences d’opéra sont filmées de bien trop près, ce qui gâche son prestige. Difficile de ne pas penser au sublime Amadeus de Miloš Forman, où les séquences d’opéra sont spectaculaires. On en est tout de même loin dans le film de Petr Václav.