Professeur de pensée politique à Sciences-Po Paris et déjà auteur de plusieurs ouvrages à vocation plus « académique », Frédéric Gros est quelqu’un que l’on peut qualifier sans crainte d’érudit. Et ça se ressent ! Retraçant le célèbre mais non moins tragique fait divers des possédées de Loudun, son premier roman, « Possédées », est un véritable bijou littéraire, au point d’être nommé aux prix Goncourt, Goncourt des lycéens, Renaudot et Femina. Rien que ça ! Nous l’avons lu pour vous.
Au début du XVIIème siècle, en pleine Contre-Réforme et alors que l’influence du Cardinal de Richelieu sur Louis XIII est à son apogée, un drame se joue dans la ville de Loudun. Les sœurs du couvent des Ursulines, menées par la Mère supérieure Jeanne de Anges, se déclarent possédées par des hordes de démons et multiplient les symptômes de ce que d’aucuns qualifieraient aujourd’hui de crise d’hystérie collective. Très vite, elles identifient Urbain Grandier, le prêtre de la ville, comme le maître qui commande aux Belzébuth, Balam et autre Astaroth qui les habitent. La ville sera frappée de stupeur et l’affaire créera peu à peu l’émoi jusqu’aux plus hautes instances de l’Etat et de l’Eglise. Par les regards croisés de Jeanne des Anges, la perfide, acariâtre et sadique mère supérieure du couvent des Ursulines et d’Urbain Grandier, le vaniteux, luxurieux mais charismatique curé de Loudun, nous suivrons l’affaire depuis ses prémices jusqu’à sa douloureuse conclusion, naviguant entre hypothétiques possessions, intrigues politiques et complots judiciaires.
L’auteur, tantôt grave tantôt moqueur, nous plonge littéralement dans son récit par la force qu’il met à décrire les lieux ainsi que les personnages et leurs (re)sentiments. La qualité de la plume est indéniable et c’est avec une rare finesse que Frédéric Gros nous laisse à voir la possession des corps ou l’acharnement des ambitieux et des faux-dévôts. Avec Possédées, le lecteur n’est plus un simple spectateur et, si quelques longueurs dans le texte lui rappelleront parfois qu’il n’est pas lui-même pris dans une chasse aux sorcières en 1632, il sera le plus souvent submergé par l’histoire, se mêlant tantôt à la foule goguenarde des moqueurs ou effarée des sceptiques ou s’abîmant çà et là dans la haine, la tristesse ou l’ambition avec l’un ou l’autre personnage.
Possédées, un livre signé Frédéric Gros et édité par Albin Michel