Dans tous les domaines culturels et de tous temps, les artistes torturés ont toujours captivé. On leur a toujours attribué une forme de génie incompris – ce qui a parfois été le cas. Kurt Cobain, Amy Winehouse, Pete Doherty ; tous ont été (ou sont toujours, dans le cas de ce dernier) des artistes torturés dotés d’une énorme notoriété. S’il ne s’agit là que de musiciens, les poètes appartiennent également souvent à cette catégorie, et parfois des écrivains. Je pense que c’est le cas de R.J. Ellory, qui a fait de la prison pour vol, qui a connu la misère et la mort dans sa maison mais qui a également signé là un thriller excellent, récompensé par le prix du roman noir il y a quelques années.
Nous suivons l’histoire de Joseph Vaughan, sa vie, qu’il nous raconte lui-même à la première personne. Un père décédé et la solitude qu’il connaît sont les principaux acteurs de son quotidien alors que nous le rencontrons tandis qu’il est âgé de douze ou treize ans. Malgré cela, nous découvrons également un jeune adolescent qui a soif d’apprendre, passionné de lecture et d’écriture. Puis, sa vie commence à changer lorsque des fillettes commencent à être assassinées dans son village et dans les environ. Le petit Joseph fera alors de ces morts une priorité dans sa vie, une obsession. Surtout lorsqu’il fuit sa Georgie natale mais que les meurtres le rattrapent à New-York. Les liens faits avec la période historique – car le livre débute au début de la Seconde Guerre Mondiale – sont très justes et semblent bien représenter le point de vue de l’Amérique de l’époque.
La construction du roman est sans faille, un véritable coup de maître. On fait la connaissance de Joseph tandis qu’il est au début de sa vie et nous le quittons quand il est âgé de quasiment quarante ans. Malgré les très nombreuses ellipses donc, nous suivons l’essentiel de sa vie sans en perdre une miette. Devant tous les coups durs que la vie lui impose (de très nombreuses morts, la folie de sa mère, etc.), nous ne pouvons qu’admirer la façon dont Joseph s’en sort. Tous les personnages sont attachants, les caractères sont vraiment brossés avec précision. Les mots choisis par Ellory sont juste, capables de nous émouvoir, de nous horrifier, de nous faire réfléchir. Et, surtout, on se fait mener par le bout du nez tout au long du livre. Ou presque.
Parce qu’aucun livre n’est parfait, vers la fin de l’oeuvre ; plus l’étau se resserre autour de l’assassin et plus on devine de qui il s’agit. J’ai également trouvé la fin un petit peu bâclée, le moment où l’on découvre qui est l’assassin, qui fait à peine une dizaine de pages. Mais qu’est-ce que représentent une dizaine de pages moins bien face à 590 autres pages de pur bonheur ? On peut également se demander si Ellory ne s’est pas inspiré de sa propre vie pour ce roman, en accentuant tous les traits (prison, morts, misère). Un coup de maître d’un génie torturé. Auteur à suivre !
Une chose est certaine, les événements de votre enfance sont souvent les plus marquants dans le comportement que vous avez … Ce roman l’illustre parfaitement.