L’homme a cette indicible capacité à faire grandir en lui le feu de la colère, à imaginer les pires sévices à infliger à celui qui lui aurait fait subir une injustice. Pour cela, les histoires qui parlent de vengeance (concept aussi exclusivement que désespérément humain) ont toujours su conquérir un public large, que ce soit en littérature (Le Comte de Monte-Cristo, Carrie, …) ou au cinéma (Le Vieux Fusil, Kill Bill, …). Désormais, la loi du talion trouve aussi sa place sur nos tables de salon puisqu’un jeu de société lui est consacré : Vengeance. Avec des vrais morceaux de fureur à l’intérieur.
Dans Vengeance, chaque joueur va se glisser dans la peau d’un quidam qui, tantôt pour un différend sur les personnes autorisées à vendre de la beuh dans le quartier, tantôt pour avoir refusé de céder un bâtiment, va se retrouver confronté à la déferlante violence des gangs du ghetto. Que vous choisissiez d’incarner Petite Gudrun, la naïve camionneuse australienne, Johnny Silver, l’ancienne gloire de la musique punk, Kaja, la fleuriste élevée dans un village du Kurdistan ou encore Shadowman, l’acrobate qui n’aurait peut-être pas dû tourner le dos à ses vieux amis, apprêtez-vous à vivre le quart d’heure le plus effroyable de votre histoire. Car face à vous, vous trouverez les Tengu Kai, yakuzas de leur état, les Lordz, aristocrates dégénérés, les Hell Riders, gang de motards ultra violents ou le clan Zuce, qui a appris les techniques mafieuses en Europe de l’Est. Soyons réalistes, ça ne peut que mal se passer. Passage en revue des différentes phases de jeu.
Le Préjudice, aux frontières du sadisme
Voilà donc l’heure du préjudice, la phase pendant laquelle vous allez découvrir quel clan s’en est pris à votre héros et surtout de quelle façon. C’est là que nous comprenons toute la créativité dont l’homme peut faire preuve dans sa cruauté car de l’arrachage des ongles à la fosse aux rats en passant par le supplice de la goutte d’eau, rien ne vous sera épargné. Ces différents sévices vous laisseront brisés, tant physiquement que moralement, et vos bourreaux, aussi fiers de leur barbarie qu’arrogants dans leur bestialité, vous laisseront pour mort. C’était sans compter sur votre instinct de survie et votre désormais inextinguible soif de vengeance.
Le montage, il est temps de lécher ses plaies
Rien n’est plus dangereux qu’un animal blessé et il vous tarde de faire goûter votre fureur à vos ennemis. Néanmoins, vous savez qu’une vengeance réussie passe par une préparation minutieuse et que foncer tête baissée ne ferait qu’offrir à vos adversaires une chance de terminer ce qu’ils ont commencé. Aussi, vous vous attachez prioritairement à soigner les fractures ouvertes, les traumatismes et autres insidieux dégâts de stress, bref à effacer les séquelles de votre passage entre leurs mains. Vous vous entrainez également afin d’ajouter quelques féroces bottes secrètes à votre panoplie de coups. Enfin, vous effectuez des missions de reconnaissance pour débusquer les scélérats qui ont osé s’en prendre à vous.
Le combat, où ça saigne (abondamment)
Désormais prêts pour votre vendetta, vous vous déployez dans l’antre du mal, là où le clan ennemi s’est retranché. De lieu en lieu, vous expédiez ad patres tous les durs à cuire, tous les porte-flingues et tous les hommes de main qui tentent de vous barrer la route. Mais ce ne sont pour vous que du menu fretin. Votre objectif, c’est le boss qui a commandité votre malheur, celui qui a mis le feu aux poudres. D‘ailleurs le voilà et il temps pour lui d’affronter votre courroux.
Vengeance, un jeu qui se rêve film d’action (et qui y met les moyens)
Vengeance est donc construit comme le plus pur des films d’action du genre. La première scène est toujours celle où le héros se fait salement dérouiller et elle est immanquablement suivie par celle où il mûrit sa colère en affinant son plan diabolique. Vient ensuite l’énorme scène d’action où les coups pleuvent et où le sang coule. Avec son organisation en différents actes, Vengeance cherche à coller au plus près à ce schéma et vous met tour à tour dans la peau du réalisateur (quand il faut choisir les outrages et les capacités à acquérir) et de l’acteur (quand il faut se salir les mains). C’est un pari osé dont la réussite dépendra principalement du joueur.
Pour maximiser les chances d’immersion dans la partie (ô combien importante), les créateurs n’ont pas négligé le décorum. Les figurines sont nombreuses et de belle qualité et le plateau de jeu, qui se construit en associant diverses tuiles de lieux, respecte parfaitement le thème. De la blanchisserie au garage miteux en passant par le terrain de sport, nous y retrouvons tous les endroits où l’on n’aimerait pas traîner le soir. Le système de jeu alliant draft de cartes et jets de dés est intéressant et la mécanique se révèle à la fois fluide et agréable.
Ceci dit, et nonobstant l’originalité du concept (que l’on salue), une partie de Vengeance ne sera pleinement jouissive que si tous les joueurs sont dans une parfaite ambiance de vendetta et de film d’action. La partie se doit d’être nerveuse et, malgré la bonne idée de proposer une bande-son adaptée, ce n’est pas toujours facile. Un élément important freine d’ailleurs cet apport d’effervescence vengeresse et tient à la mécanique de jeu en elle-même. En effet, chaque joueur est encouragé à organiser sa petite vendetta personnelle et les interactions autour de la table se font rares, ce qui ne facilite pas le maintien d’une ambiance électrique.
En conclusion, par son thème original et son esthétique léchée, Vengeance n’aura aucun mal à séduire les joueurs (bien au-delà du cercle restreint des fans de Kill Bill). Sa mécanique est originale et bien pensée même si on regrettera parfois le sentiment de passivité qu’un joueur peut ressentir lorsqu’il assiste à la phase d’action d’un autre.
Vengeance, un jeu signé Edge et distribué par Asmodée
Âge : à partir de 14 ans
Nombre de joueurs : 1 à 4
Durée moyenne d’une partie : 1h à 2h