Après nous avoir fait arpenter les ruelles crasseuses de Whitechapel, l’éditeur Don’t Panic Games nous invite dans un autre jeu de traque et de mouvements masqués en version un-contre-tous. Cette fois-ci, on quitte les bas-fonds de Londres, les prostituées et Jack l’éventreur pour gagner les contrées nordiques, les bêtes légendaires et les trop appétissants colons…
Tout en scrutant nerveusement l’orée de la forêt, la chasseresse Iona passe une main fébrile sur la flèche qu’elle est toute prête à décocher. Le lac poissonneux à côté duquel elle a établi son poste de guet reflète les timides rayons du soleil. Soudain, un craquement sinistre vient rompre le silence. Il vient de la forêt luxuriante qui borde l’autre rive du lac. Cet idiot d’Assar qui devait se mettre en embuscade dans le sous-bois aurait-il marché sur une branche morte ? A moins que Fangrir, la louve géante qu’ils traquent depuis trois lunes ne soit tout proche… En retenant son souffle, Iona resserre son emprise sur son arc.
Loup, loup, es-tu là ?
Nous l’avons dit, Beast est un jeu de traque et de déplacements cachés. Un joueur incarnera une des six bêtes disponibles (Mara la banshee, Hogbad le phacochère démoniaque, Esmeria la changelin, Raaga le basilic, …) tandis que les autres endosseront le rôle des chasseurs. Selon le contrat choisi (comprenez le scénario du jeu), les conditions de la partie varieront mais souvent, la Bête gagnera si elle grignote un certain nombre de colons tandis que les chasseurs l’emporteront s’ils parviennent à mettre fin au règne de terreur de la Bête en l’envoyant ad patres.
Si on se contente de n’y jeter qu’un bref coup d’œil, on pourrait croire que Beast est un jeu de traque comme il en existe tant d’autres, un jeu dans lequel un groupe de joueurs va tenter de débusquer « le méchant » pendant que ce dernier fait tout pour les éviter. Oui mais non. Bien sûr, le principe reste celui-là mais Beast est aussi tellement plus que ça…
Du réveil des dieux nordiques à l’attaque sur les colonies du Nord, de la lutte contre la Malédiction des Marais à celle contre l’Oracle des Abysses…
Déjà Beast est très varié, ce qui est assez rare dans un jeu de ce type. Il faut comprendre par là que toute partie débute par le choix d’un contrat parmi quatre. Celui-ci définit le plateau sur lequel les joueurs vont s’affronter (il est recto-verso), modifie la mise en place de la partie, les conditions de victoire mais aussi les objectifs (et donc les récompenses) de chaque camp pour les différentes phases du jeu. Mais ce n’est pas tout, nous l’avons dit, le jeu propose aux joueurs d’incarner des bêtes mais aussi des chasseurs uniques. Chacun d’eux, tant bête que chasseurs, dispose donc de capacités particulières que le joueur pourra débloquer au fil de la partie.
Cet élément nous conduit au deuxième point fort du jeu : sa montée en puissance. Plus la partie avance et plus les joueurs peuvent dépenser des jetons de rancune pour se renforcer. La bête devient plus hargneuse, plus létale mais les joueurs se découvrent eux-aussi de nouveaux talents. Si on ajoute à cela la possibilité pour les joueurs de récupérer de l’équipement ou d’installer des pièges et pour la Bête de se doter de capacités bestiales à faire pâlir d’envie tous les monstres qui se cachent dans les placards, on se retrouve avec un jeu qui se termine souvent en apothéose brutale, chacun étant devenu le Rambo (et le Predator) nordique qu’il rêvait d’être.
Une aurore boréale (teintée de sang mais une aurore boréale quand même)
Enfin, dernier point qui mérite d’être souligné : le matériel du jeu et son univers. Celui-ci est tout simplement somptueux. Bien sûr, le prix va avec – il faut compter une grosse soixante-dizaine d’euros – mais le jeu les vaut. La couche de vernis sur le plateau, la double couche avec encoches sur chaque plateau personnel, les petits meeples sangliers, ours ou moutons, … autant de petits détails qui n’en sont pas et qui augmentent sensiblement le plaisir de jeu et l’immersion.
D’ailleurs, en parlant d’immersion, il faut souligner le soin qui a été apporté au respect du thème. Tant grâce à son bestiaire qu’à ses superbes et brumeuses illustrations, le jeu nous plonge dans les contes et légendes nordiques pour un combat féroce que l’on n’est pas près d’oublier…
En conclusion, Beast est tout simplement l’un des meilleurs jeux de traque auxquels il nous a été donné de jouer. Rien de moins…
Beast, un jeu de Elon et Aron Midhall, illustré par Aron Midhall et édité par Don’t Panic Games.
Nombre de joueurs : 2 à 4
Âge : dès 14 ans
Durée moyenne d’une partie : 1h30 à 2h